Sunday, July 29, 2012

Rwanda: Samedi Noir en Afandie


Par Cecil Kami
Democracy Human Rights
28 Juillet 2012



Ça y est: le masque est tombé, le miroir brisé. Après les alliés américains et les Hollandais, les Anglais et les Allemands viennent eux aussi de suspendre une partie de l'aide que leurs pays fournissaient à l'Afandie. Il s'agit là, selon le Financial Times, des "plus fortes pressions exercées contre le Rwanda depuis la Libération il y a 18 ans". Seule l'annus horribilis que fut 2006 a pu inquiéter les certitudes des idéologues et autres stratèges de ce cancer qui ronge le cœur de l'Afrique, comprenez la bande de Paul Kagame. Ayant été, pour la première fois, désignés comme des (présumés) assassins, Kagame et ses proches ont perdu leur latin. En Kinyarwanda on dirait bien qu'ils ont "mangé leurs langues" (Kurya indimi). Des piètres et pitoyables prestations télévisuelles en langage de voyou, ils ont craché sur tout ce qui était français. A date, ils n'ont toujours pas convaincu; et maintenant voilà... le M23.

Bien sûr que les techniciens du régime viennent de pondre 28 pages de propagande et autres dénégations sur leur manifeste implication aux côtés de Bosco-Terminator-Ntaganda. Bien sûr que l'inconditionnel CNN a donné un coup de main en offrant une tribune au primus inter afande; bien sûr que l'Onu va revoir sa copie à l'aune des manipulations développées au cours du document contre-attaque d'Afandie et que, fidèle à sa langue fourchue, ce machin va essayer de résoudre la quadrature du cercle afande et plaire aux puissants que sont les États-Unis et leurs pantins anglo-saxons. C'est classique comme scénario. En octobre, personne ne sera alors surpris de voir Kagame blanchi, les Congolais ré-humiliés et.. business as usual. A moins que, de part et d'autre, l'on ne se résolve à jouer les prolongations, question de savoir le nom du prochain locataire de la maison blanche.

Peu importe donc les chipotages qui vont prochainement avoir lieu, une chose est désormais sûre: Kagame n'est plus le saint qu'il a toujours prétendu être. Mieux, il n'est plus aussi invulnérable qu'il veut le faire croire à ceux qui s'opposent à sa folie meurtrière. Avec un peu de volonté politique et de détermination, les fondations de sa maisonnée, l'Afandie, peuvent être irrémédiablement secouées et ainsi offrir une vraie lueur d'espoir à tous les peuples sur qui pèse le joug dictatorial de l'axe Kampala-Kigali. Le masque est donc tombé ce samedi 28 juillet, soit seulement 3 semaines après les jubilations de ce qu'en Afandie l'on nomme la "libération". Une date donc à marquée avec une pierre noire car il pourra symboliser le début de la fin. Le jour où le miroir s'est brisé en Afandie.

Petit rappel: cette mise à nu du régime intervient après un parfait démontage, dans les pages d'Afrique Réelle (dans son numéro 31), de la scandaleuse manipulation de Maria Malagardis à propos des missiles ayant servi à déclencher le génocide par l'attentat sur le Falcon du président Juvénal Habyarimana. Dans le souci d'évacuer la pression qui pesait sur lui suite à sa tentative d'éliminer un de ses opposants et ex-frère d'armes, afande Kagame et ses techniciens ont inspiré une malheureuse journaliste qui a (des)servi sa rédaction en noircissant des pages entières avec des affabulations sensées disculper l'Afandie. Peine perdue, le monde n'est plus ce qu'il était en 1994. Kagame l'enfant gâté a fait son temps et il se rapproche résolument du temps où il doit rendre certains comptes. Il n'y a jamais eu des Mistral dans l'arsenal des Far, mais des Sam 6-7 dans celui de l'Apr.

Revenant donc sur le démenti apporté par les techniciens de Kagame aux accusations qui lui valent de perdre (momentanément) des millions d'aide, les intéressés retiendront sans doute cette phrase-aveu: "Le Rwanda admet qu’il y a eu des communications téléphoniques avec le M23 pour tenter de promouvoir le dialogue politique". End of story. Plus que l'aspect technique et procédurier de cette affaire Kagame-M23, c'est la fermeté de ses amis qui est louable. Ils lui reverseront l'aide demain, mais aujourd'hui, Kagame et ses supporters réalisent que leur prétendue puissance ne repose que sur une montagne de mensonges et que celle-ci peut s'écrouler d'un moment à l'autre. Suffit juste de ce qu'un de leurs amis, afande Patrick Karegeya, appelle si souvent a wild card. Pauvres afandes...

Dela même série:

Thursday, July 26, 2012

RWANDA: KAGAME MOINS ARROGANT...

Par Cecil Kami

Democracy Human Right Group
July 26, 2012

"La crainte d'une chute, voilà ce qui suffit à un ministre pour faire égorger des milliers d'hommes". On nous parle de rwandophones qui se font déjà tuer en RDC. Oeuvre des "techniciens" ou folie d'un des belligérants? Surveillez donc le fauve.

La (nouvelle) mode en Afandie: on balance!


Inaugurant une académie militaire à Nyakinama, le président Paul Kagame est apparu (fait rare) moins arrogant que d'habitude. Il était même très abattu et peinait à trouver les mots pour répliquer à l'administration américaine qui vient d'ajourner une aide de 200 000 dollars destinée à son armée. C'est qu'il y a pression et pression: imaginez un instant si cette mesure avait été le fait de la France ou d'un autre pays européen... Expulsion immédiate de l'ambassadeur, rupture de relations diplomatiques, diabolisation et injures, accusations farfelues et tout l'arsenal victimaire d'Afandie. A Nyakinama, rien! Que des murmures et un chantage voilé.

Et si c'était donc cela la nouvelle tactique défensive des afande? Jadis on avait droit à "où étiez-vous lorsque se commettait le génocide ici ?". Aujourd'hui, c'est à une distillation des confidences que lui auraient faites les Occidentaux que le président Kagame s'adonne. Oui, acculés, Kagame et son régime ne trouvent guère mieux: ils balancent. C'est ainsi qu'il révéla que Joseph Kabila devait être écarté de la présidence et que certains émissaires occidentaux étaient venus requérir son opinion. Vraiment? J'aurais aimé savoir sa réponse et surtout sa démarche auprès de son protégé Kabila (ils s'enguelent le jour mais la nuit ils sont les meilleurs potes du monde).

A Nyakinama, Kagame récidive avec un autre scoop. Ils (les Occidentaux. Encore eux!) sont venus me demander de l'aide pour arrêter Bosco-le-Terminator. Et n'y ayant pas consenti, ils m'accusent aujourd'hui d'aider le M23. Sacré Kagame. En l'écoutant dire cela, j'ai tout de suite pensé à cette phrase de Colette Braeckman: "Avec aplomb, sans que rien ne révèle un trouble éventuel, à part les mains qui s'agitent et des longues jambes qui se croisent ou se déplient, Kagame peut nier les évidences, mentir en vous regardant droit dans les yeux". Démonstration en direct. Croit-il que, ce faisant, il menace ses amis de révéler d'autres secrets d'une criminalité qu'ils ont partagé en mettant toute la sous-région dans son état actuel?

Pour la première fois de sa vie, je crois que mon président a vraiment et sérieusement trembloté. Il a dit (je cite de mémoire): « ce n'est pas tant la somme bloquée qui inquiète: elle est insignifiante. C'est l'image même du Rwanda et de son armée qui est ainsi sali ». Là où il avait l'habitude de minimiser les critiques qu'on porte sur ses turpitudes, il semble maintenant prendre conscience de ses limites. Rien du discours enflammé qui a suivi, en novembre 2011, les critiques de l'ambassadeur Susan Rice par rapport aux pratiques dictatoriales d'Afandie. Certes le lion n'a pas encore perdu ses dents, mais la raison l'a déjà quitté et il vient de perdre quelques griffes.

Est-ce donc le début de la fin? Ne sachant plus comment armer ses diatribes, ne pouvant plus envahir le Congo que par les appendices et autres diverticules de son armée, Kagame est contraint d'adopter une nouvelle forme de communication. Il balance. Il s'épanche ennuyeusement au lieu de laisser faire Louise Mushikiwabo, sa ministre des affaires étrangères. Il monte lui-même au créneau, signe qu'il a été sérieusement affecté par la pression qui pèse sur son Afandie. Alors qu'on attendait ses techniciens "démonter une à une les mensonges" du rapport le mettant en cause, afande Kagame double même ses griots comme pour leur dire "vos mensonges ne suffiront pas cette-fois ci à me disculper".

Confidence pour confidence: avec cette prestation, j'ai réalisé comment le président Kagame ressemblait fortement à T Bag, le psychopathe de la série télé Prison Break. Ceci expliquerait peut-être cela. Dans son journal Jules Renard écrivait: "La crainte d'une chute, voilà ce qui suffit à un ministre pour faire égorger des milliers d'hommes". On nous parle de rwandophones qui se font déjà tuer en RDC. Oeuvre des "techniciens" ou folie d'un des belligérants? Surveillez donc le fauve.

Saturday, June 29, 2013

Rwanda : Et si (par miracle) Kagame négociait...

Par Cecil Kami
Vendredi 28 Juin, 2013

Après les sanctions, les œufs pourris et les crottes de cheval, après les remontrances tanzaniennes, peut-on un seul instant s'imaginer l'homme fort de Kigali recevoir la visite d'une muse lui inspirant de s'asseoir avec ses opposants autour d'une table de négociation ? La politique, on le sait bien, est quelque chose de dynamique et, même quand la surface affiche une sérénité d'Agaciro, les bas-fonds peuvent, eux, cacher des changements tout aussi radicaux qu'imperceptibles (raison des permutations au sein de l'armée par exemple). 

La politique, on le sait aussi, n'est pas synonyme de miracologie, mais essentiellement d'organisation et d'action ; et c'est en cela que la question suggérée en titre revêt son importance. N'est-il pas manifeste qu'au fil des ans, l'organisation mise en place par les stratèges de la dictature afande a cessé de séduire ? N'est-il pas patent que la seule action pour éviter l'implosion de celle-là reste, comme le souhaiterait Joseph Staline, la peur des citoyens vis-à-vis de leurs encadreurs ? Ils peuvent donc être fous, mais les managers au service de la politique de Kagame sont parfaitement conscients de ce constat. Ils ont vu, un à un, les mythes fondateurs de leur suprématie politique s'effondrer et le dernier évangile selon Jakaya Kikwete est en passe d'en pulvériser le tout dernier.

Au commencement était un génocide. Ce dernier amèna le monde entier (les Clinton et autres Verhofstadt) à demander pardon au « stoppeur » de ce Crime. Sauf qu'un jour l'on découvrit le lien entre l'attentat du 6 avril 1994 et le déclenchement des horreurs. Et que le Mapping report vint dévoiler d'autres génocidaires présumés. Et que lestechniciens d'un tribunal à Arusha échouaient dans leur ingéniosité à prouver la planification d'Ishyano. Le premier mythe vacilla. C'est alors que Sweetie se mit à assassiner ses compatriotes exilés et que, toute honte bue, ses sicaires planifièrent des empoisonnements à grande échelle. Et que ses chiens de guerre pillèrent les voisins du Congo. Las de cette arrogance persistante, certains amis du système Kagame lui coupèrent les vivres. D'une façon timide et symbolique, mais le message est toutefois passé. Le deuxième mythe venait de tomber à l'eau... Restait donc la contestation du régime. Fustiger la cupidité des affairistes de Kigali valait aux opposants l'étiquette de « génocidaires ». Sauf que d'une part, Ingabire n'en est pas une, Mushayidi et Ntaganda non plus ; et que d'autre part Rwarakabije a été débauché pendant que les écrits racistes de Rucagu dans Kangura étaient absouts. Négociez donc ouvertement avec vos opposants, dixit le prochain hôte de Barack Obama. Et le troisième mythe s'écroula, entama ainsi la surrection de tout l'édifice qui en est maintenant à lorgner vers un troisième mandat de qui-vous-savez...

Et si Kagame négociait donc... Ça ne ressemble pas du tout à l'homme, du moins à son outrecuidance légendaire, mais les états-majors de l'opposition feraient mieux de considérer cette hypothèse. L'histoire est pleine d'exemples éloquents à propos des dictatures militaires qui ont terrorisé (dans un semblant de nationalisme) et leurs peuples et tous ceux qui rêvaient liberté. La clique ethniste de Bururi au Burundi, la kléptocratie ngbandi au Zaïre, les Boers racistes d'Afrique du sud, le colonel trublion de Libye, etc. A un moment ou à un autre de leurs tristes gloires, ces régimes se croyaient indéboulonnables et, en cela, ils étaient confortés par le soutien économique et/ou militaire que leur octroyaient des alliés étrangers. Puis un jour, le vent a tourné (le miracle s'est produit), le monde a ouvert les yeux et l’idolâtré est, du jour au lendemain, devenu le pestiféré. Bien malins comme Pierre Buyoya qui ont su s'organiser une sortie, évitant ainsi un séjour soit dans les poubelles de l'histoire, soit des circonstances de fin de règne inversement proportionnelles aux fastes de la vie qu'ils ont menée. En donnant l'impression d'acculer sérieusement la politique afande, le lieutenant-colonel Jakaya Kikwete confirme la règle qui veut que seuls des vrais officiers savent militer pour la paix. En sera-t-il de même du général Kagame ?

Rêvons donc un peu : à l'appel tanzanien, le président rwandais réalise qu'il ne pourra tenir sa ligne dure (et suicidaire) pendant longtemps et que même ses voisins commencent à imaginer un après-Kagame, du moins une transition le poussant vers la sortie. Il prend les devants et délivre un visa à Faustin Twagiramungu avant de le recevoir avec Semushi Karangwa, puis il libère coup sur coup le trio Ingabire-Mushayidi-Ntaganda, il accepte de prendre officiellement (officieusement c'est fait depuis très longtemps) langue avec les Fdlr et envoie ses émissaires auprès de tous les autres leaders de l'opposition en exil. Que se passe-t-il alors ? Le peuple exulte et une partie de l'armée panique. Celle qui a impunément utilisé l'uniforme pour porter poison et deuil dans les familles rwandaises, prouvant ainsi fausse fidélité et coupable loyauté au chef. Soit elle se comporte à la Bikomagu et... rebelote, soit elle prend courageusement note des changements et méritent la République. Ce dernier scénario pousserait obligatoirement, mais minutieusement les politiciens à agir sans relâche pour inventer le Rwanda de nos... rêves : sans dictature ni discriminations, sans bellicisme ni repli sur soi. Oui, essayez d'imaginer une grande table avec tout autour Kagame, Rukokoma, Ingabire, Kayumba, Habyarimana, Mushayidi, Ntaganda (et tous les autres) ainsi que des représentants de la société civile. Une grande partie de la vraie victoire est là : d'oser, de se permettre un rêve inaccessible encore il y a 10 ans...

Avec des "si", on mettrait Paris en bouteille, dit-on. Avec des "si", oui, le Rwanda aurait déjà cessé d'être ; de justesse, le pire a été évité en 1994 déjà, ce qui n'a pas empêché un général de déclarer que SI il avait pu bénéficier d'assez de temps, il aurait réglé le sort d'un million de ses concitoyens. Rêver permet donc s'évader des réalités autrement plus dures. De s'inventer une suite. Après la toute puissance vantée des services secrets (beaucoup ont su tromper leur vigilance et leurs échecs ne se comptent plus), l'invincibilité de l'armée (incapable d'éradiquer les Fdlr), après la sympathie des Occidentaux coupables/complices (il y a une réelle inflexion dans leur rapports avec l'Afandie), après la discipline des dirigeants (le Mapping report a mis à nu le sérieux du régime), quelle suite écrire pour le Rwanda si, dans son égarement, le fou trébuche sur la vérité (aramutse asaze akagwa kw'ijambo) ? C'est-à-dire s'il se résout (malgré lui) à négocier. Poser la question c'est, bien des fois, y répondre et, la mienne de réponse, est que si demain par la grâce de saint Gihanga, le général consentait à négocier, cela prendrait terriblement de court beaucoup de ceux qui réclament son effacement de la scène politique rwandaise. Se présenteraient-ils en bon ordre ou dispersé ? Auront-ils les mêmes visées ou leur compétition impliquera des croc-en-jambes regrettables puisque profitable au has been Kagame ? Les réponses divergeront autant qu'elles susciteront moult polémiques.

Rassurez-vous : il ne s'agissait là que d'un rêve, sauf que, comme l'a un jour écrit le romancier Réjean Bonenfant, « à trop rêver le monde, on en vient à préférer le rêve au monde ». La psychologue Victoria Torey Lynn Hayden (dit Torey Hayden) disait quant à elle : « Heureux ceux qui cultivent des rêves. Mais, les rêves exigent des sacrifices et peu de rêveurs survivent ».