Thursday, May 22, 2025

SOS pour les Réfugiés Rwandais à l’Est de la République Démocratique du Congo

Réfugiés Hutu Rwandais, Goma-RDC/Photo AFP

Par Assifiwe Bujiri
Goma, DRC
May 22, 2025

Goma, RDC : Au moment où une lueur d’espoir semblait poindre à l’horizon - grâce non seulement aux négociations de paix en cours, parrainées par les États-Unis, mais aussi aux efforts du président Félix Antoine Tshisekedi et de son gouvernement, qui, en quelques mois seulement depuis le début de son second mandat, ont réussi à redorer le blason de la République Démocratique du Congo (RDC) sur l’échiquier international en exposant les mensonges grossiers des rebelles du M23, supplétifs des Forces de Défense du Rwanda (RDF), et en affirmant leur rôle crucial dans la défense de la souveraineté nationale et la stabilité de la région des Grands Lacs africains - ce mois de mai 2025 a vu une résurgence dramatique de violences indicibles à l’Est de la RDC.

En effet, des familles entières ont été enlevées par l’armée rwandaise, arrachées à leurs terres ancestrales. Leurs cartes d’identité congolaises ont été confisquées puis brûlées, leur nationalité bafouée avec mépris. Rassemblées comme du bétail, humiliées publiquement dans la boue du stade de Goma, elles ont été déportées de force vers le Rwanda. D’autres ont été sommairement assassinées et jetées dans des fosses communes, dans un silence assourdissant de la communauté internationale. Le cas le plus flagrant est celui du HCR qui participe à ces rapatriements forcés alors qu’il devrait protéger ces réfugiés. Selon RFI dans sa sortie du 20 mai 2025, « le HCR à Genève reconnaît que ces retours ne remplissent pas toutes les conditions d’un rapatriement volontaire, mais ajoute qu’il ne s’agit pas non plus d’expulsions ou de refoulements ». Ces violences appellent une intervention urgente, notamment du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR), ainsi que des gouvernements des pays de la région des Grands Lacs et de la Communauté de Développement de l’Afrique Australe (SADC).

Les images en provenance de Goma et de Bukavu, deux villes récemment conquises par les rebelles du M23/RDF, sont insoutenables. Les crimes commis par les militaires rwandais à l’encontre des populations congolaises et des réfugiés hutu rwandais se poursuivent depuis plus de trois décennies sans réaction significative de la communauté internationale. Plusieurs rapports des Nations Unies, notamment le Rapport Mapping, ont documenté ces crimes à plusieurs reprises sans qu’aucune justice ne soit rendue. Cette culture d’impunité accordée aux rebelles du M23 soutenus par le Rwanda, et même aux militaires rwandais eux-mêmes, a atteint un point critique à Goma et à Bukavu où des familles congolaises - femmes, enfants, vieillards - au faciès bantou, ainsi que des réfugiés hutu rwandais, sont traqués jour et nuit, arrêtés, torturés, tués ou déportés de force vers le Rwanda sous prétexte qu’ils seraient hostiles à l’occupation de ces deux villes par les rebelles du M23/RDF. Ceux qui parviennent à fuir sont poursuivis comme du gibier. Les rebelles les forcent à rendre leurs cartes d'identité congolaise, les qualifiant ainsi d’immigrants « irréguliers » en RDC. 

Il convient de rappeler que la présence des réfugiés hutu rwandais en RDC remonte à 1994, après la prise du pouvoir par les armes au Rwanda par le FPR de Paul Kagame. À cette époque, la RDC avait accueilli plus de deux millions de réfugiés rwandais. En 2014, un recensement réalisé par la Commission nationale congolaise des réfugiés, avec l’appui du HCR, avait identifié plus de 245 000 réfugiés. Aujourd’hui, leur nombre est estimé à 202 844 selon un rapport du HCR publié le 30 avril 2025. Il est révoltant de constater que, dès le 30 juin 2013, le HCR avait invoqué la « clause de cessation » du statut de réfugié pour des réfugiés ayant fui avant le 31 décembre 1998, affirmant que « des changements fondamentaux et durables » avaient eu lieu au Rwanda. Et pourtant, voici la réalité actuelle.

Ces actes criminels répétés contre les réfugiés hutu rwandais en RDC et dans les pays de la SADC risquent de provoquer des catastrophes humanitaires majeures si la communauté internationale, en collaboration avec les pays hôtes, ne trouve pas rapidement une solution négociée pour un rapatriement volontaire, sécurisé et digne. La question des réfugiés hutu rwandais en RDC doit impérativement être intégrée aux négociations en cours entre le Rwanda et la RDC, sous facilitation américaine. Si les violences contre ces réfugiés persistent et que le régime de Kigali continue de les diaboliser en les qualifiant systématiquement de génocidaires, ces réfugiés n’auront d’autre choix que de chercher à résoudre leur situation par des moyens extrêmes - comme l’ont fait jadis les dirigeants actuels du FPR, qui, après trente ans d’exil, ont pris les armes contre un Rwanda alors paisible, sans antécédents d’assassinats extraterritoriaux de réfugiés, en violation flagrante des règlements du HCR.

Il est donc impératif que la communauté internationale, la RDC, le Burundi, la Tanzanie et l’Afrique du Sud s’unissent pour apporter une solution durable à la crise des réfugiés hutu rwandais à l’Est de la RDC, victimes des violences indescriptibles perpétrées par les rebelles du M23/RDF. Une approche inclusive, traitant les causes profondes de cette présence prolongée, est nécessaire pour instaurer une paix durable dans la région des Grands Lacs. Cela implique notamment l’inclusion de ces réfugiés dans les pourparlers de paix. Une justice équitable pour tous est indispensable, sans oublier la vérité sur le drame rwandais, qui dure depuis le 1er Octobre 1990. La communauté internationale sait pertinemment que le véritable responsable du génocide rwandais est avant tout celui qui a ordonné l’attentat contre l’avion du président Juvénal Habyarimana, le 6 avril 1994, un acte terroriste à l’origine des souffrances qui affligent encore aujourd’hui l’ensemble de la région des Grands Lacs, y compris les pays de la SADC. Le peuple rwandais attend toujours que la vérité soit faite sur l’auteur de cet attentat, pour qu’il puisse enfin être traduit en justice.

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Est de la RDC : près de 800 personnes présentées comme rwandaises transportées à la frontière pour un rapatriement.
https://www.rfi.fr/fr/afrique/20250520-est-de-la-rdc-pr%C3%A8s-de-800-personnes-pr%C3%A9sent%C3%A9es-comme-rwandaises-transport%C3%A9es-%C3%A0-la-fronti%C3%A8re-pour-un-rapatriement

Dénonciation des campagnes de déportation de réfugiés rwandais depuis la RDC et appel à une prise en charge politique internationale de la question
https://x.com/NormanIshimwe/status/1925166606423867749

Distress of Rwandan Refugees and Congolese Populations Threatened with Enforced Repatriation to Rwanda 
https://x.com/SOS_Rwanda/status/1925407733559566543

Hundreds of Rwandans who fled to Congo after the 1994 genocide return in UN repatriation
https://www.washingtonpost.com/world/2025/05/17/congo-rwanda-hutu-refugees-repatriated-un/77d05b54-3347-11f0-8498-1f8214bba2d2_story.html

HCR : La cessation du statut de réfugié approche pour les Rwandais
https://www.unhcr.org/fr/actualites/briefing-notes/la-cessation-du-statut-de-refugie-approche-pour-les-rwandais

RDC : 245 000 réfugiés rwandais recensés
https://www.rfi.fr/fr/afrique/20140820-rdc-refugies-rwandais-recenses-nord-kivu  

Malawi: Aid cuts spur refugee repatriation proposal
https://times.mw/aid-cuts-spur-refugee-repatriation-proposal/