RWANDA - LIBYE - SYRIE : les bons et les mauvais dictateurs
RWANDA –LIBYE - SYRIE :
les bons et les mauvais dictateurs ou les gugusses, le petit juge et les
mallettes
Un tweet
émanant de la présidence rwandaise nous apprend que le jour même où il a traité
de "gugusses" des parlementaires français qui n'avaient fait en Syrie
que leur devoir, courageusement de surcroît, le président Sarkozy
est allé faire sa cour au plus grand criminel de guerre encore au pouvoir , le
rwandais qui a infiniment plus de sang sur les mains que Bachar El Assad.
Cette anecdote qui
prêterait à sourire s’il n’y avait des fleuves de sang en arrière-plan, est
révélatrice de la conception « deux poids deux mesures » de la
diplomatie française. Suivie sans sourciller par une certaine presse aux ordres
- comme je l’ai montré dans un précédent billet - elle engendre des
pressions insupportables sur la justice de notre pays.
Le juge Marc TREVIDIC,
vice-président du pôle anti-terrorisme au TGI de Paris, s’est fréquemment
exprimé sur le sujet. Parmi ses nombreux ouvrages dont il assure régulièrement
la promotion dans les média, figure « Qui a peur du méchant
petit juge ?[1]».
Il ressort de ces nombreuses interventions, que le président Sarkozy n’a eu de
cesse de vouloir mettre la justice aux ordres de l’exécutif :
•
En intervenant directement sur certains dossiers dont ceux du
Juge Trevidic qui, invité d'iTELE en oct. 2014 avouait « Je
travaille avec davantage de sérénité depuis 2012 » : https://www.youtube.com/watch?v=RK_wC_18a4k
Seul
ce dernier point est à mettre en relation avec les hommages que le président
Sarkozy est allé présenter à celui dont tout le monde aujourd’hui s’accorde à
dire - on reverra à ce sujet les émissions les plus récentes : https://vimeo.com/107867605 et http://www.rfi.fr/emission/20150228-portrait-juvenal-habyarimana-13-1416/
- qu’il a assassiné son prédécesseur, crime que précisément est chargé
d’instruire le juge Marc TREVIDIC.
Sous l’influence du ministre des affaires
étranges, Bernard Kouchner , le président Sarkozy et ses conseillers ont
mené une campagne constante pour innocenter Paul Kagame de ce crime. A ce
sujet, on relira avec intérêt « Le Monde selon K [2]»
où Pierre Péan démonte la machinerie mise en place. Ce livre a rendu
furieux les pro-Kagame au point que Saint-Exupéry a cru bon de rééditer un
ouvrage sans audience en y ajoutant une préface consacrée à la défense du
personnage. Cette campagne a connu quelques moments forts, parfois à la limité
du sérieux, organisés en coopération entre l’Elysée et Kigali. Parmi ceux-ci la
pseudo reddition en Allemagne de Rose Kabuye, élégamment désignée par ses
complices pour servir de chèvre au méchants enquêteurs français et dont
la soi-disant arrestation a permis à Kigali d’avoir accès au dossier
d’instruction. La comédie de l’expertise sur place en a découlé, encore que….
en partie sur place seulement puisque l’expert acousticien - désigné après coup
et en désespoir de cause car les balisticiens ne parvenaient à rien - a œuvré à
La Ferté Saint Aubin dans le Loiret sur un terrain plat comme le dos de la
main, très éloigné du relief du pays de mille Collines. Et non seulement cet
expert a expertisé sur un terrain totalement différent mais il n’a même pas eu
à sa disposition un missile du même type que celui qui a été utilisé lors du
crime. Et cerise sur le gâteau, cet acousticien s’est de plus trompé dans
les distances séparant les points de tir supposés des missiles des
maisons où se tenaient les témoins….. Peu importe, dès lors que ce rapport
d’expertise a été transmis à Kigali avant que les parties civiles en aient pris
connaissance, ce qui devrait logiquement intéresser la Cour de Cassation, les
avocats de Kigali ont pu déployer leur science de la communication auprès de
media qui, le président Sarkozy aidant, leur étaient tout acquis. Ce rapport
d’expert acousticien est devenu pour la presse le « Rapport
Trévidic » auquel on a fait dire tout ce qu’il n’a jamais dit[3].
Mais il y a fort à parier qu’il restera dans les annales de l’Ecole Nationale
de la Magistrature comme un exemple à ne pas suivre et comme l’archétype des
dérives observées dans les affaires politiquement marquées sous la présidence
de Nicolas Sarkozy.
L’engagement du président Sarkozy aux côtés de Paul
Kagame qui l’a amené à aller chercher l’Aman à Kigali aurait pu n’être plus
qu’une péripétie après 2017, péripétie désagréable mais ancienne entre deux ex,
deux has been. Mais le candidat déclaré à la Présidence de la République française
a éprouvé le besoin d’échanger avec celui qui cherche à se faire proroger à la
Présidence de la République rwandaise malgré une constitution lui
interdisant de faire un troisième mandat. Que se sont-ils dit ? Que se
sont-ils mutuellement promis ?
On ne peut que penser à Kadhafi, jadis
dictateur fréquentable autorisé à planter la tente sur les Champs Elysées par
celui là-même qui, ayant changé d’avis allez-savoir pourquoi, facilitera
quelques mois plus tard son assassinat dans des conditions épouvantables.
Pour
combien de temps encore Kagame sera –t-il un dictateur fréquentable ?
Protégé par l’ONU depuis 1990, conseillé par Tony BLAIR qui va avoir des
comptes à rendre à son pays[4],
il voit néanmoins les rapport Mapping s’empiler. L’impunité que lui a assurée
madame Louise Arbour devant le TPIR ne saurait durer encore très longtemps.
Au-delà
du cas Kagame, on aimerait comprendre ce qui motive nos dirigeants dans leur
choix des dictateurs fréquentables ou non fréquentables ? Et on craint que
Pierre Péan soit amené à écrire une suite à « La République des Mallettes[5] ».
[1]
Auteur(s) : Marc Trévidic : « Qui a peur du petit méchant
juge ? » - Editions : JC Lattès : 10/2014 -
[2]
Le Monde selon K. , Fayard, 4 février 2009 , 19 euros, 336 pages.
[5]La
République des mallettes - Pierre Péanchez Fayard
- Paru en 09/2011
L'auteur
de ce billet a décidé d'en fermer les commentaires
0 Comments:
Post a Comment
Subscribe to Post Comments [Atom]
<< Home