« Le Sénégal n’a rien à faire dans le dossier de Victoire Ingabire » publié par Monsieur Boris Boubakar DIOP le 15 mai 2012 dans l’Agence de Presse Sénégalaise.
Dans son article, l’intellectuel sénégalais, Monsieur Boris Boubacar DIOP s’en prend de façon très virulente au Docteur Samuel HAKIZIMANA, ressortissant rwandais vivant au Sénégal depuis quelques années, pour avoir appelé le nouveau président sénégalais, Son Excellence Monsieur Macky SALL, au secours de la démocratie au Rwanda. En sa qualité de membre du réseau africain des droits de l’homme, Monsieur Boris Boubacar Diop n’ignore surement pas les droits politiques des réfugiés. A moins qu’il n’y ait d’autres mobiles derrière, il est incompréhensible que Mr Diop reproche au Docteur Samuel HAKIZIMANA, de s’intéresser aux problèmes politiques de son pays.
En effet, dans le condensé des droits et devoirs des réfugiés, il est stipulé: « étant donné les raisons pour lesquelles les individus deviennent des réfugiés, il n’est pas surprenant que beaucoup d’entre eux deviendront actifs dans des activités politiques en exil. La campagne pour le changement dans leur pays d’origine peut, en effet être le seul moyen d’augmenter les chances d’être en mesure de rentrer chez eux par la suite. En général la participation à la vie politique dans de telles organisations est garantie par les droits de l’homme d’un réfugié, en particulier le droit à la liberté d’expression et d’association. Ces organisations ont le droit de procéder à une vaste gamme d’activités, y compris faire connaître leurs vues à travers les médias, la tenue de démonstrations pacifiques, et envoyer des représentants pour mettre en évidence leurs préoccupations auprès des gouvernements et des organisations internationales».
Si nous pouvons comprendre qu’au nom de la liberté d’expression, M. Diop peut dire ce qu’il veut, il doit en même temps éviter tout propos à l’égard d’autrui qui pourrait paraître diffamatoire et prétériter le droit à l’image de Madame Victoire Ingabire. Et c’est malheureusement ce qu’il fait. M. Diop fait en effet, des distorsions malveillantes du discours prononcé par Madame Victoire Ingabire au Mémorial du génocide de Gisozi, pour affirmer que cette dernière renierait ou relativiserait le génocide perpétré contre les Tutsi en 1994. Or, le ministre rwandais de la justice Tharcisse Kagarurama avait lui-même reconnu que la loi sur l’idéologie génocidaire posait problème, en ce sens qu’elle n’était pas clairement définie, cela après que les organisations de défense des droits de l’homme telle que l’organisation Amnesty International avaient émis des réserves fortes dans ce sens, mais depuis lors rien n’a changé (i). Oubliant le principe sacro-saint de la responsabilité individuelle des actes, il a mis en avant des crimes, par ailleurs non avérés et qui auraient été commis par sa maman pour justifier, on ne sait par quel vernis de logique, la culpabilité de Madame Victoire Ingabire.
Pour rappel, lesdits crimes auraient été jugés in absentia et à l’insu de la personne prévenue par un tribunal populaire qui ne reconnaît nullement le droit à pourvoir un conseil pour sa défense. Enfin, M. Diop présenterait Madame Ingabire comme la représentante des Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR), un mouvement rebelle au régime de Kigali. Cette attitude rappelle étrangement celle de certains experts qui avaient servi de sources pour que le régime du FPR accuse le Présidente des FDU d’avoir rencontré les FDLR à Barcelona. Or cette rencontre était facilitée par des Organisations Non-Gouvernementales de ce pays. Beaucoup de participants ont pris part à cette rencontre, parmi lesquels une délégation venue du Rwanda dont un parmi eux s’est déclaré ouvertement d’appartenance FPR (ii). En outre, Les FDLR étant des Rwandais comme les autres, il n’y a rien d’étonnant à ce qu’elles participent à une réunion ayant pour objet la réconciliation.
A l’actif de M. Boubacar Boris Diop, il convient de reconnaître qu’il s’agit d’un défenseur des bonnes causes : ici, le génocide perpétré contre les tutsi. Avec lui, et Madame Victoire Ingabire la première, nous reconnaissons que le génocide constitue une rupture essentielle dans la société rwandaise présente et future qui doit être reconnue et condamnée par tout un chacun. Traduisant en effet, l’aboutissement fatal d’un processus de désintégration absolue des valeurs humaines d’inclusion, de reconnaissance du droit à l’existence de l’autre et de respect, le génocide doit être combattu avec toutes nos forces. En même temps, la reconnaissance de toutes les victimes du génocide et des crimes contre l’humanité ainsi que le devoir de mémoire doivent rester allumés.
Le passif de M. Boubacar Boris Diop est malheureusement comparable à celui de toutes les autres personnes qui s’érigent, sans beaucoup de discernement ou par intérêts égoïstes, en Saint Juste et se trouvent, tels des idiots utiles, involontairement ou non, manipulées par la propagande officielle du régime rwandais. Cette propagande, bien huilée, a en effet, réussi à monter des arguments vernis et bien adaptés aux parti pris idéologiques des défenseurs naïfs des bonnes causes pour ériger le régime FPR au rang de victimes, au même titre que les tutsi qui vivaient à l’intérieur du Rwanda en 1994. Il existe actuellement beaucoup de témoignages dignes de foi ; nous en citerons que quelques uns (iii). Maintenant que l’implication du Général Paul Kagame dans les crimes qui ont endeuillé le Rwanda et l’Afrique Centrale est de plus en plus évidente (iv), voilà que, malgré le statut d’intellectuel pour lequel on se serait attendu à ce que M. Diop fasse montre de distance critique envers le discours de légitimation politique du régime rwandais, il a été rattrapé par la propagande officielle. C’est grave et malheureux à la fois.
Non, Monsieur Diop! Il n’existe ni de communauté de destin, ni de communauté d’intérêts entre le régime FPR et les Tutsi de l’intérieur qui ont été massacrés. Pour accéder au pouvoir, le FPR a sciemment et froidement sacrifié les Tutsi et les opposants à l’ancien régime. Contrairement à ce que vous affirmez, il existe une probabilité très forte, voire une certitude, que c’est le commandement du FPR qui a commis l’attentat contre l’avion du président Juvénal Habyarimana, attentat que vous considérez comme le point de départ du génocide. Le rapport balistique commandé par le juge Trévidic ne dit nulle part que l’attentat a été perpétré par les caciques au sein de l’ancien régime.
Vous avez repris, sans vérifier, les propos d’une certaine presse condescendante envers le régime rwandais, presse qui a gobé les déclarations de la défense sans prendre le moindre temps de lire ellemême le rapport. Le lecteur attentif verra que ledit rapport a plutôt confirmé une chose très importante que le juge Bruguière avait lui aussi découverte : la provenance des missiles qui ont abattu l’avion. Ces missiles provenaient des stocks de l’armée ougandaise. Comment sont-ils sortis pour être installés à Kigali ? C’est la question élémentaire que nous devrions nous poser.
M. Diop doit savoir par contre que c’est le FPR qui, unilatéralement, a rompu le cessez-le-feu du 12 juillet 1992 et a rouvert les hostilités dès le 7 avril 1994 à l’aube. C’est lui qui a intimé l’ordre de déguerpir aux forces armées étrangères sur place au Rwanda sous peine d’être considérées comme des troupes ennemies. Ainsi qu’en atteste le Rapporteur spécial des Nations Unies, René Degni-Segui, le FPR s’est rendu coupable, à l’instar de l’ancien régime, de crimes contre l’humanité en 1994.
Nous invitons M. Diop à lire le Rapport Mapping des Nations Unies qui accuse le régime Kagame d’avoir commis des crimes contre l’humanité, voire d’un possible génocide des réfugiés hutus au Congo entre 1996 et 1997, et même après sous couvert de différentes rébellions que ce régime a installées en République Démocratique du Congo. Nous espérons, qu’après la prise de connaissance de la responsabilité du FPR, à tout le moins politique, dans le génocide Tutsi ainsi que dans les graves crimes commis à l’endroit des autres populations tant rwandaises que congolaises, M. Boubacar Boris Diop comprendra les raisons pour lesquelles le statut de pourfendeur du génocide et la légitimité politique du régime de Kigali s’étiolent. A notre humble avis, au lieu d’instrumentaliser la charge émotionnelle suscitée par le génocide de 1994 afin de renfoncer sa propre légitimité et son impunité au regard des crimes graves commis, le régime rwandais devrait assumer sa pleine responsabilité, se démettre et se présenter devant la justice internationale. Voilà le combat valeureux dans lequel nous suggérons à M. Diop de s’engager.
M. Boubacar Boris Diop est enfin dans le faux quand il dit que Madame Victoire Ingabire est la cheffe politique des FDLR. Madame Victoire Ingabire n’a jamais été, n’est pas et ne sera pas la cheffe des FDRL puisqu’elle est depuis 2006, Présidente de notre parti, les Forces Démocratiques Unifiées (FDU-Inkingi). Et c’est à ce titre qu’en janvier 2010, elle est rentrée au Rwanda demander l’ouverture de l’espace politique et l’agréation de son parti politique afin de présenter sa candidature à la Présidence de la République. La rançon de son engagement démocratique a été l’emprisonnement dix mois plus tard.
M. Boubacar Boris Diop qui, semble-t-il, suit de près le procès de Madame Victoire Ingabire, ignorerait-il par hasard que l’ancien porte-parole des FDLR, le lieutenant colonel Michel HABIMANA, que le pouvoir de Kigali avait recruté pour venir charger la présidente des FDU Inkingi, l’a au contraire déchargée de tout lien avec les FDRL? Ce 15 avril 2012, quand ledit témoin est venu expliquer à la Cour le montage de l’affaire par les hommes de main du régime FPR, le Procureur a été confondu, car pris en flagrant délit de manipulation du procès. Plus grave, le lendemain, il n’a plus été autorisé par la Cour à poursuivre sa déposition. Alors qu’il venait de déclarer à la Cour que, de retour dans sa cellule pénitentiaire, il avait été harcelé et avait subi, hors procès, des interrogatoires musclés de la police politique, on se serait attendu à ce que la Cour examine la gravité de l’incident, affirme son indépendance vis-à-vis de l’exécutif. Il n’en a rien été. C’est ce manque de réaction de la justice devant une irrégularité aussi crasse, qui a obligé Madame Victoire Ingabire à se retirer définitivement du procès depuis le 16 avril 2012. Elle venait de perdre tout espoir à un procès équitable.
Nous espérons que maintenant que M. Boubacar Boris Diop est enfin au fait avec la réalité et la gravité de la situation politique rwandaise ainsi que de l’injustice subie par Madame Victoire Ingabire, il comprendra pourquoi le Docteur Samuel Hakizimana, un réfugié démocrate, sollicite la facilitation du nouveau Président de la République sénégalaise en vue de la libération de la Présidente des FDU-Inkingi et de l’ouverture de l’espace politique au Rwanda.
Les dirigeants de ce pays n’ont pas la moralité (v) de continuer à diriger le pays, gouverner sa population et juger des opposants qui ne revendiquent que l’alternative du pouvoir.
Fait à Paris, le 22 mai 2012.
Pour le Comité de Coordination des FDU Inkingi
Dr Emmanuel MWISENEZA (Sé)
Délégué à l’Information et à la Communication
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