Par EurAC
BRUXELLES,
Royaume de Belgique,
24 août 2012
24 août 2012
African Press Organization (APO )/-Eurac salue la décision de plusieurs Etats membres de l’Union européenne de
geler temporairement leur aide budgétaire au Rwanda . Cette décision intervient à la suite de la publication
par le Conseil de sécurité de l’ONU du rapport d’étape du groupe d’experts sur
la RDC (S/2012/348, 21 juin 2012) et d’un additif au rapport concernant le
soutien du Rwanda à des groupes armés en RDC. Le gel de l’aide budgétaire est
temporaire, dans l’attente de la réponse du gouvernement rwandais aux
accusations contenues dans l’additif. La réponse[1] du Rwanda a été publiée le 27 juillet.
Le
groupe d’experts a présenté, dans son rapport, un nombre important de preuves
convergentes. Il affirme avoir interviewé plus de 80 déserteurs issus de la
mutinerie contre les FARDC et des groupes armés congolais, y compris du M23,
parmi lesquels 31 étaient des ressortissants rwandais. Le groupe s’est
également entretenu avec des dizaines de hauts commandants militaires congolais
et des agents du renseignement ainsi qu’avec des dirigeants politiques et des
responsables locaux ayant une connaissance approfondie de l’évolution de la
situation entre la RDC et le Rwanda . Le groupe ajoute qu’il a communiqué régulièrement
avec plusieurs agents actifs de la mutinerie au sein de l’ex-congrès national
pour la défense du peuple (CNDP), de la rébellion M23 et d’autres groupes
armés. Par ailleurs, le groupe présente des photos de caches d’armes, des
documents officiels et des messages radio interceptés. Enfin, lorsque des
personnes étaient nommées, le groupe d’experts a procédé à des vérifications
auprès de 5 sources concordantes, considérées comme crédibles et indépendantes,
au lieu des 3 sources exigées. Le groupe d’experts affirme avoir déployé des
efforts considérables pour initier un dialogue avec le gouvernement rwandais
sur ses conclusions, avec un succès mitigé.
Le
gouvernement du Rwanda a en effet réagi en affirmant que certaines données étaient biaisées,
d’autres invérifiables et que le rapport ne tenait pas compte du point de vue
rwandais. Dans sa réponse officielle, il démonte les accusations formulées par
le groupe d’experts en se fondant sur des témoignages d’une poignée d’officiers
haut-gradés des Forces de défense rwandaises ainsi que sur des comptes-rendus
de réunions entre forces armées congolaises et rwandaises.
EurAc
a suivi de près ces discussions et a étudié avec soin tant l’additif du groupe
d’experts que la réponse présentée par le gouvernement du Rwanda . EurAc en conclue qu’il est fort peu probable que le contenu de l’additif soit erroné
et/ou falsifié comme l’affirme le Rwanda . Cela nécessiterait de faux témoignages d’un nombre
important de personnes venant d’horizons tout à fait différents, ce qui est
très peu probable. L’argument selon lequel le Rwanda n’a pas été entendu n’est pas convaincant dans la
mesure où le gouvernement n’a pas répondu à l’invitation qui lui avait été
faite de donner son point de vue. A la lecture de la contre-argumentation
avancée par le gouvernement rwandais, EurAc ne voit pas de raisons de douter de
l’analyse présentée par l’additif. EurAc sera particulièrement attentif au
contenu du rapport final du groupe d’experts, dont la publication est prévue
pour octobre 2012.
Ces
dernières années, le rôle actif joué par le Rwanda dans les conflits armés en
RDC a été largement documenté, notamment par l’ONU. Dans le rapport de mapping
de l’ONU publié en 2010, le Rwanda était accusé d’être impliqué dans les
violences et atrocités commises en RDC entre mars 1993 et juin 2003.
Aujourd’hui nous avons, comme en 2008, les preuves du soutien du Rwanda à des groupes rebelles opérant à l’Est de la RDC. Et
pourtant, en dépit de ces accusations, un certain nombre de pays avait, à
l’époque, continué à considérer le Rwanda comme un partenaire privilégié. Le Rwanda a, quant à lui, toujours nié son implication et se
montre très critique dans ses déclarations aux médias vis-à-vis de la
communauté internationale. EurAc estime que, dans ce contexte, les conditions
d’un dialogue constructif –pré-requis à l’octroi de l’aide budgétaire – ne sont
pas réunies.
L’appui
budgétaire constitue une contribution aux finances publiques du pays concerné,
fait l’objet d’une discussion annuelle sur les orientations générales et n’est
pas allouée à des programmes spécifiques. EurAc salue la décision prise par
l’Allemagne, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas, la Suède et la Banque Africaine
de Développement de tenir compte des accusations formulées à l’égard du gouvernement
rwandais et de geler temporairement leur aide budgétaire au Rwanda. Ces mesures
ont été prises dans l’attente de la réponse du gouvernement rwandais et tout en
suivant les évolutions sur le terrain.
Recommandations d’EurAc :
EurAc
appelle l’Union Européenne et tous ses Etats membres à suspendre définitivement
toute aide budgétaire au Rwanda et à limiter leurs interventions à des appuis
programmes. Cependant, EurAc encourage le maintien d’un appui aux initiatives
de la société civile afin d’atténuer l’impact de ces sanctions sur la
population rwandaise.
Ces
mesures constitueraient une première étape en vue d’une révision de la
politique de coopération avec le Rwanda . L’Union Européenne et ses Etats membres devraient
également prendre en compte la situation préoccupante en matière de
démocratisation, de bonne gouvernance et de respect des droits humains. Nous
faisons ici référence au mémorandum adressé par Eurac à la présidence de
l’Union Européenne intitulé « Contribuer à l’élargissement de l’espace
démocratique au Rwanda à travers une approche collective et cohérente » et publié le 6 mars
2011.
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