L’histoire du
Rwanda, qu’elle soit bonne ou mauvaise, c’est notre histoire. Nous devons
l’assumer entièrement. Notre rôle, notre devoir à nous, c’est d’en écrire les
plus belles pages.
I.
Introduction
1. D’où venons-nous ?
Quand nous
avons fondé les Forces démocratiques unifiées (FDU Inkingi), nous venions
d’horizons politiques antérieurs différents. Les Forces de résistance
démocratiques (FRD) et l’Alliance démocratique rwandaise (ADR), regroupaient
plutôt des personnes qui étaient issues de l’opposition au régime de l'IIème
République, des membres critiques du MRND ainsi que des opposants au pouvoir
actuel du FPR. Le Rassemblement Républicain pour la Démocratie au Rwanda (RDR)
rassemblait plutôt les tenants de l’ancien régime de l’IIème République. Malgré nos différences, nous
étions mus par une volonté solide d’unir les forces de l’opposition au régime
du FPR dans le but d’offrir aux rwandais une alternative démocratique crédible
au régime dictatorial en place au Rwanda depuis juillet 1994.
Pour un pays qui a connu l’innommable, à savoir le
génocide et les crimes contre l’humanité, nous cherchions à combattre le
sectarisme et les exclusions de tout genre et à construire un pays hospitalier
à tous les rwandais, enfin libérés de la hantise de la disparition collective
du fait de leur origine ethnique ou régionale.
Aujourd’hui, il convient de se rendre compte que le
fait de n’avoir pas analysé d’abord en profondeur les causes de nos positions
différentes avant l’exil, les responsabilités dans le génocide et les raisons
de la défaite politique et militaire de l’ancien régime, ont constitué une
faiblesse et expliquent les raisons des divisions politiques actuelles. Nous
pensions, et c’était une erreur, que le seul fait de travailler ensemble et
s’opposer au régime FPR alors que nous venions antérieurement d’engagements
politiques différents, constituait à lui seul un atout.
2. Quel
bilan ?
A notre actif, nous pouvons nous féliciter que depuis
notre intégration en 2006, nous avons constitué, en tant que Forces
Démocratiques Unifiées Inkingi, la principale force d’opposition au régime
actuel au Rwanda. Parmi les grands succès, nous avons en effet montré que le régime qui se targue d’avoir
arrêté le génocide, qu’il n’en était rien, qu’il avait plutôt arrêté et gagné
une guerre qu’il avait lui-même initié quelques année avant le génocide. Nous
avons informé l’opinion internationale des crimes de guerre et des crimes
massifs contre l’humanité commis par le pouvoir actuel au Rwanda et en République
démocratique du Congo. Nous avons documenté et démontré la nature totalitaire,
illustrée par la fermeture complète de l’espace politique, l’assassinat,
l’emprisonnement et l’exil des opposants politiques et des journalistes de la
presse indépendante.
A notre passif, nous n’avons pas pu exploiter
positivement la diversité quant à nos origines politiques, ethniques, voire
régionales pour en faire un atout du vivre ensemble et de la cohésion
nationale. Nous n’avons pas, malgré la fusion, réussi à ne faire qu’un seul
parti politique, partageant les mêmes valeurs et idéologies. Nous nous sommes
au contraire fragmentés et composons aujourd’hui deux groupes politiques qui se
distinguent sur des éléments de valeurs, d’idéologie et de stratégie politique.
D’un côté, le groupe des FRD – ADR et des indépendants, de l’autre le groupe
RDR et des indépendants.
2. Deux divergences essentielles au sein de notre
coalition
Parmi les
divergences qui paralysent notre intégration, deux nous paraissent
essentielles. La première est le combat
contre le sectarisme et les exclusions de tout genre qu’une des branches
constitutives du FDU Inkingi ne considère pas comme essentiel. Elle semble même
faire de l’union de tous les hutu, la stratégie principale de son combat
politique. La deuxième a trait à la
reconnaissance du génocide des tutsi. Ce dernier qui devait constituer
l’ossature des valeurs fondatrices de l’intégration des FDU Inkingi, n’a jamais
pu recueillir l’unanimité quant à son imputabilité première à l’ancien régime.
Une branche FDU (RDR) préférant incriminer des extrémistes qu’elle se dépêche
aussitôt de ne pas nommer, voire préférant l’imputer au seul FPR, vu le rôle
joué par son commandant en chef dans l’attentat aérien qui a coûté la vie au
Président Habyarimana, attentat considéré comme l’élément déclencheur du
génocide.
Selon notre perception, la lutte commune contre la
dictature au Rwanda ne peut pas constituer à elle seule la mission ultime de
notre combat politique, lequel combat doit commander les alliances et les
intégrations politiques que nous construisons. Il doit surtout y avoir un fond
commun de valeurs, de principes et d’objectifs partagés qui guident l’action.
C’est la raison pour laquelle, nous ne croyons pas à la rengaine de l’union au
forceps de l’opposition au régime de Kigali, encore moins en l’union des hutu.
II.
Les
fondements de notre engagement politique
1.
Nous nous inscrivons dans le
processus et dans les idéaux de la Révolution sociale de 1959
La Révolution sociale de 1959 constitue un tournant
majeur de notre histoire. Elle a en effet, changé radicalement la perception
qu’avaient les rwandais dans leurs rôles et fonctions sociales et dans les
droits nouveaux auxquels ils accédaient. Pour la majorité des rwandais, en
particulier pour les populations de conditions modestes, considérées comme
inférieures et composées de hutus, de tutsis et de twa, la Révolution
constituait une espérance et une conquête essentielle en matière d’égalité de
droits et d’équité de traitement. Les rwandais accédaient tous pour la première
fois à la liberté individuelle, à l’égalité, au droit à la propriété privée et
à l’ensemble des droits fondamentaux de la personne humaine ; cela, sans
considération de l’origine de naissance, de l’ethnie ou de la fortune.
Que certains des idéaux de La Révolution aient été
dévoyés par après par des politiciens véreux pour se hisser ou se maintenir au
pouvoir, cela n’enlève rien à leur nature émancipatrice et en la croyance forte
par la population dans les idéaux véhiculés. Cela montre au contraire qu’un
pouvoir non contrôlé par les citoyens, court des risques forts de ne pas se
trouver en phase avec ces derniers.
2.
Nous reconnaissons et condamnons le
génocide des tutsi
Le génocide est la négation extrême du droit à la vie
et à l’autre que tout un chacun doit reconnaître, faire montre d’empathie et
condamner. En (avril-juillet) 1994, les tutsi de l’intérieur ont été victime du
génocide et ont failli être exterminés dans ce qu’il convient d’appeler la
solution finale, parce qu’ils étaient des exutoires sacrificiels d’un régime en
crise. Il s’agit d’une rupture essentielle dans la vie sociale, culturelle et
politique du Rwanda et des rwandais, qui pendant longtemps, continuera à la
marquer. Cette tragédie doit être commémorée et dite aux générations afin de
prévenir d’autres catastrophes similaires.
Les auteurs de ce crime des crimes que constitue le
génocide sont les groupes politico-militaires extrémistes au pouvoir de
l’ancien régime qui l’ont ordonné et l’ont supervisé. Ils doivent aussi
répondre des assassinats politiques des membres de l’opposition perpétrés au
moment du génocide. Les autres responsables sont le Général Paul Kagame et le
réseau de commandement de la rébellion qui, avec lui, ont ordonné l’attentat
aérien lequel a coûté la vie au Président Habyarimana, attentat qui constitue
l’élément déclencheur du génocide, de la rupture de l’Accord de paix d’Arusha
et de la reprise de la guerre.
3.
Nous reconnaissons et condamnons les
crimes contre l’humanité
Avant, pendant et après le génocide, des rebelles au
sein du FPR ont massacré des populations entières dans la zone qu’ils
contrôlaient. Même après la prise du pouvoir en juillet 1994, ils ont continué
à massacrer des populations. Les massacres de Kibeho en avril 1995, devant les
Casques Bleus, restent un exemple éclatant. L’innommable fut commis en 1996,
dans les camps de réfugiés rwandais hutu en
République Démocratique du Congo quand le nouveau pouvoir décida d’y attaquer
les réfugiés, de les poursuivre et de les massacrer dans leur fuite, tout le
long du parcours sur plus de 2'500 km. Ces crimes, pourtant qualifiés de
possible génocide par les Nations Unies, restent toujours impunis.
Les crimes contre l’humanité procèdent de la même
négation de la vie et des valeurs d’altérité que le génocide. Ils traduisent
l’aboutissement fatal d’un même processus de désintégration absolue des valeurs
humaines d’inclusion, de reconnaissance du droit à l’existence de l’autre et de
respect d’autrui. Nous devons aux victimes la même reconnaissance, la même sympathie.
Et aux auteurs de ces tueries, nous devons exiger le même et extrême châtiment.
4.
Nous luttons contre le sectarisme et
l’exclusion
Le régionalisme et l’ethnisme constituent les deux
maux principaux à l’origine du génocide et de l’exil de centaines de milliers
de rwandais qui s’en est suivi. Ils ont laissé des traces indélébiles dans la
société rwandaise. Vingt ans après le drame, il est grave de constater que le
discours focalisé sur la haine des tutsi ou sur la haine des hutu qui veulent
transcender toutes ces identités destructrices, reste encore présent parmi les
partis politiques ou les associations rwandaises en exil. Le discours sur
l’unité des hutu, pendant du discours officieux sur l’unité des tutsi prôné par
les caciques de l’autocratie au pouvoir, a pris ses quartiers dans bon nombre
de formations politiques. A y regarder de près, il est véhiculé par ceux-là
mêmes qui n’acceptent pas le débat sur le génocide et sur la défaite militaire
et politique, à la base de l’exil actuel. Il est véhiculé par ceux-là mêmes qui
veulent étouffer le débat et recherchent par contre à pérenniser leur
domination sur les réfugiés.
L’exclusion, c’est le racisme et le racisme tue. C’est
la raison pour laquelle, se battre contre les discriminations de tous ordres,
constitue un des fondements de notre lutte politique. Un individu doit être
jugé pour ses actes et les citoyens doivent attendre des pouvoirs publics que
ceux-ci leur accorde l’égalité et l’équité de traitement. En exil, les réfugiés
doivent dénoncer ouvertement les initiatives politiques ou sociales qui prônent
le refus de l’autre, car ils sont sans lendemain.
5.
Nous croyons que la démocratie de
concordance est un passage obligé pour le Rwanda
Afin de créer les conditions objectives d’une
évolution politique expurgée des réflexes identitaires (ethniques, régionales,
religieuses, sectaires) et d’une
transformation économique, nous croyons qu’une démocratie de concordance,
prenant en compte les faiblesses idéologiques et politiques des organisations
politiques rwandaises existantes, peut stabiliser la société rwandaise. La
démocratie de concordance est, de ce fait, un passage obligé.
A terme
néanmoins, l’avenir du Rwanda est dans l’acceptation, par tous, du principe
« un homme, une voix ». Synonyme du suffrage universel, ce principe
implique que tout individu majeur a le droit de suffrage, sans distinction de
sexe, d’origine ethnique ou régionale, de confession religieuse, de conditions
sociales. Aucune voix ne pèse plus que les autres, toutes les voix se valent.
Nous savons que la dictature militaro-suprématiste en place à Kigali est fondée
sur le refus de ce principe. Son refus est fondé sur l’idéologie suprématiste
qui le caractérise et le dessein non avoué de maintenir un ordre social
favorable à ses intérêts politiques, sociaux et économiques. L’élite
suprématiste au pouvoir, à cause de
sa faible capacité à mobiliser l’électorat rwandais au-delà de son terreau
ethnique originel, ne peut pas conserver dans un régime de suffrage universel.
Cette tare du vote ethnique ou régional est également présente dans la plupart
des organisations politiques en lutte contre le régime en place. Sectaires et
identitaires, ces élites réactionnaires qui en sont les promoteurs, ne sont pas
capables de proposer un projet politique national hospitalier à tous les
groupes nationaux.
Nous sommes convaincus que l’avenir du Rwanda se
trouve dans la constitution, le développement et la consolidation d’organisations démocratiques nationales
capables de mobiliser leur électorat sur base d’idées et de projets de société
du vivre ensemble et non sectaires. Nous sommes en même temps conscients que,
dans un pays qui a connu le génocide et des crimes contre l’humanité visant des
groupes nationaux, l’institution immédiate d’un régime de démocratie
d’alternance ou de démocratie majoritaire dans une société non expurgée des
réflexes identitaires, particulièrement ethniques, peut servir de tremplin pour
la prise du pouvoir. Le risque majeur étant que, une fois aux affaires, ils
instrumentalisent l’ethnie, la région ou une autre identité, et mettent en
œuvre une politique d’exclusion politique.
Comment dès lors garantir à chaque individu et à
chaque groupe national son droit à l’existence et à la participation à la vie
publique, épargné de la hantise de la disparition individuelle ou collective
par la seule volonté du prince et de sa cour ? Comment assurer la sécurité et
les droits de chacun ainsi que ceux des groupes nationaux minoritaires qui
ont vécu les affres du génocide? Comment leur redonner la confiance dans un
système politique majoritaire ? Il
y a donc besoin d’instaurer, pendant un certain temps, des accommodements
institutionnels de participation politique capables de rassurer la minorité que
les nouvelles institutions publiques ne seront pas utilisées contre eux pour
les exclure et les marginaliser.
Ajouter à
cela que, aujourd’hui au Rwanda, diriger l’Etat, c’est disposer du monopole de
la contrainte et de la force publique (détenir le pouvoir), c’est disposer des
ressources de l’Etat et les affecter (détenir l’avoir), c’est déterminer la
production de la connaissance et l’accès à la culture (détenir le savoir). Dans
un pays où l’Etat est de loin le plus grand employeur, dans un pays caractérisé
par une économie peu diversifiée, l’offre d’emploi et l’attribution des marchés
publics et des devises pour l’import/export confère au parti majoritaire au
pouvoir une puissance exorbitante et une influence extraordinaire sur
l’économie et sur la société en général. Il fera tout pour se maintenir au
pouvoir, reléguant ainsi dans les oubliettes l’alternance politique. Suivant
une clé de répartition à convenir, associer au gouvernement les partis
politiques qui, dans un système majoritaire auraient dû entrer dans
l’opposition, constitue aussi un moyen de stabiliser et de pacifier le système
politique.
6.
La cohésion nationale
Au-delà de la tolérance, de la coexistence ethnique ou
régionale, c’est le vivre ensemble et la cohésion nationale qu’il faut
construire. Que chaque rwandais se définisse d’abord comme un humain égal à
l’autre, qu’il exerce ses droits et accomplisse ses devoirs citoyens sans
discrimination aucune et qu’il puisse réaliser ses aspirations sans que
l’ethnie et la région à laquelle il appartient, constitue un frein pour son
épanouissement individuel et social. Nous devons pouvoir affronter et gérer le
drame national du génocide et des crimes contre l’humanité. Les blessures sont
encore profondes et sont loin de se cicatriser. Pour notre part, la
reconstruction de la cohésion nationale passera d’abord par le processus de
réconciliation, lequel comprend :
-
au
niveau individuel, l’empathie et la reconnaissance de la souffrance des
victimes et leurs survivants, la demande de pardon et la réparation du
préjudice par les responsables des crimes, l’octroi de pardon possible par les
parents survivants, la réconciliation entre les survivants des crimes des deux
groupes ethniques qui se sont laissés instrumentalisés par les extrémistes de
leur bord ethnique et les ont entraîné dans la haine et l’exclusion ethnique,
-
au
niveau collectif, la nécessaire justice, la mise en place d’une Commission «
Vérité et Réconciliation » à l’instar de celle qui a été mise en place en
Afrique du sud au sortir de l’apartheid, la mise en place d’un fonds en faveur
des survivants.
Pour asseoir
une vraie cohésion nationale, le processus de réconciliation nationale ne
suffira pas à lui seul, il faudra encore que les institutions publiques, le
monde économique et la société civile, chacune dans sa pratique,
développe des programmes et travaille sur les leviers institutionnels à sa
portée susceptibles de renforcer le vivre ensemble dans ses déclinaisons de
sécurité, de droits de l’homme, d’équité, d’inclusion, de non-discrimination,
d’accès aux ressources et à l’éducation, d’emploi, de lien social et de
promotion des valeurs d’altérité.
III.
La finalité,
la vision, les valeurs et les objectifs
1. Finalité et vision
a.
La finalité est celle de :
Promouvoir un projet de société où les citoyens, à
travers des institutions démocratiques, consensuelles, participatives,
réconciliatrices et solidaires avec les générations actuelles et futures,
assument pleinement leur destin individuel et collectif.
b.
La vision a pour ambition de :
Devenir un mouvement politique démocratique
fédérateur, reconnu pour sa capacité à asseoir la cohésion nationale, à gérer
avec équité la chose publique et à conduire le processus d’intégration
africaine.
2. Les valeurs
a. L’Etat de droit
L’Etat de
droit se définit comme un système institutionnel dans lequel la puissance
publique, la société civile, le privé et tout un chacun sont soumis au droit.
Le principe de légalité, le refus de l’arbitraire, la séparation des pouvoirs
et l’existence de juridictions indépendantes, constituent les éléments
matériels de l’Etat de droit. Ce dernier suppose également l’égalité des sujets
de droit devant les normes juridiques. Nul n’est au-dessus d’elles et chaque règle tire sa validité de sa conformité aux
règles supérieures. Dans un pays comme le Rwanda qui connaît un régime
dictatorial où le pouvoir exécutif a caporalisé la justice et se sert de
celle-ci pour se débarrasser de ses opposants, la lutte pour l’Etat de droit
est en même temps la lutte contre l’oppression.
b.
Le droit à la vie, à l’intégrité physique et à la
sureté personnelle
Le génocide et les crimes massifs contre l'humanité
constituent la négation absolue de la personne humaine. Exiger que tout un
chacun, la puissance publique en premier, respecte le droit à la vie, à
l’intégrité physique et à la sureté personnelle, c’est refonder les bases de
l’humain qui se sont effondrées lors du drame qui a secoué notre pays et
réaffirmer le caractère sacrée et l’inviolabilité de la vie humaine. Dans un
pays où des responsables de l’Etat se sont servis de l’autorité et du pouvoir
que leur confère ce statut pour ordonner le massacre systématique d’un groupe
national, des droits individuels opposables à la puissance publique doivent
être donnés à des individus ou à des groupes de citoyens afin de se prémunir
contre les excès de tout pouvoir qui pourrait être tenté de reproduire le drame
humanitaire que nous avons connu.
c. Le devoir de mémoire
Le génocide
rwandais et les crimes contre l’humanité qui ont été commis au Rwanda et en
République démocratique du Congo ont laissé des traces indélébiles dans la
mémoire des gens. Il est criminel de nier ou de relativiser le drame absolu
qu’ont subi les victimes et leurs parents survivants. Ces derniers, aussi bien
tutsi que hutu, constituent désormais une catégorie spécifique à laquelle il
faut reconnaître la souffrance particulière, rendre justice et réparer, même si
ce ne sera que partiel, le préjudice subi. Pour que pareille catastrophe
humanitaire ne se reproduise plus chez nous, nous nous engageons à défendre contre vents et marées, le droit
absolu à la vie et à garder allumée la bougie à la mémoire de toutes les
victimes.
d. L’autonomie individuelle
Il s’agit de
la capacité et du droit de la personne humaine à libérer la créativité, à
prendre en charge ses problèmes, à déterminer et à poursuivre son destin, à
décider et à répondre (responsabilité) de ses propres actes. L’autonomie
individuelle fonde la démocratie comme institution de tous, car en tant
qu’égaux, les individus participent à la gestion de la société. Face à une
culture politique centralisatrice et autoritaire qui a induit le conformisme
généralisé et l’obéissance aveugle au pouvoir « Ilivuze umwami », notre organisation reconnaît comme un droit,
la résistance contre l’oppression qui pousse l’individu à dénoncer tout
Etat, toute politique, tout souverain qui porte atteinte à l’humanité de la
personne humaine et à l’épanouissement du citoyen dans ses droits.
e.
La tolérance et le respect de l’autre
Le respect c’est accepter l’autre et le reconnaître
dans sa différence comme égal à soi-même. La différence peut concerner des
aspects identitaires tels que l’origine ethnique ou régionale, mais aussi des
aspects culturels, religieux ou de genre. La tolérance, c’est accepter que la
liberté de toute personne s’arrête là où commence celle de l’autre, des autres.
Reconnaître l’autre, c’est combattre les différentes formes de violence et de
sectarisme induites par les étiquetages culturels ou sociaux. Reconnaître
l’autre, c’est nouer des relations mutuelles empreintes de respect et favorable
au vivre ensemble.
f. La solidarité
La
solidarité implique la reconnaissance et la prise en compte permanente des
interdépendances qui lient les différentes catégories sociales, les riches et
les pauvres, les familles, les générations, voire les personnes entre elles. La
solidarité induit la justice sociale. Nous ne naissons pas avec la même fortune
et la vie ne nous assure pas toujours l’égalité des chances, c’est la raison
pour laquelle notre organisation se bat
pour l’équité et dit que chaque personne humaine a droit, quelles que
soient les circonstances, à une vie décente fondée sur des ressources
suffisantes et sur leur répartition équitable.
g. La participation populaire
L’appropriation
et la mise en confiance des citoyens dans les institutions démocratiques
exigent que les citoyens contrôlent directement et inspirent effectivement
l’exercice du pouvoir. Il est indispensable que chaque individu, à tous les
niveaux de la société, prenne conscience de ses droits et de ses devoirs. Pour
ce faire, notre organisation s’engage à
faire reconnaître et à introduire dans la Constitution l’initiative populaire
comme un droit constitutionnel. Il s’agit de la faculté donnée aux citoyens
d'exercer directement, à côté du Parlement et du Gouvernement, leur parcelle de
souveraineté.
h. Le panafricanisme
La dignité
de l’homme noir, de l’homme tout court, l’indépendance africaine, l’abolition
de toutes les formes de discrimination, l’égalité des droits civiques, la
promotion de la qualité de vie et de l’unité des peuples africains sont les fondements
du panafricanisme. En luttant pour ces valeurs, les Pères des indépendances
africaines cherchaient à libérer l’Afrique du colonialisme, à mettre fin à la
domination de l’Occident sur l’Afrique, à contrer la balkanisation et à
l’émiettement en mosaïques nationales sans force. Ils prônaient une intégration
africaine pleine, politique et économique afin de faire des Etats Unis
d’Afrique un acteur incontournable. Au moment où l’on parle aujourd’hui de
globalisation et d’intégration mondiale, où le rôle de l’Etat-Nation montre ses
limites, le projet panafricain prend encore plus de pertinence si l’Afrique ne
veut pas rester en marge de l’histoire mais plutôt être aux rendez-vous des grands courants
culturels, politiques, économique mondiaux. En ce qui concerne
le Rwanda, un pays qui a connu les affres du génocide et des crimes contre
l’humanité, changer d’échelle et dissoudre ses problèmes dans un ensemble
sous-régional multiculturel et multiethnique plus vaste, constitue également
une perspective favorable à leur gestion.
i. Le développement durable.
Notre organisation attache beaucoup d’importance à la
gestion durable et équitable des ressources naturelles et à la conservation de
l’environnement, ainsi qu’à la réhabilitation des équilibres des écosystèmes dégradés
par l’activité humaine. C’est dire que, parce que solidaires avec les
générations futures à qui nous devons laisser des ressources pour leur propre
vie, toute décision politique doit être soumise à une évaluation de ses effets
à moyen et à long terme, sur les équilibres écologiques, sur le bien collectif
et sur l’avenir des sociétés humaines, de la société rwandaise en particulier
(environmental impact assessment).
3.
Objectifs principaux
a.
Mettre en place un régime politique démocratique
consensuel
Le régime politique que nous prônons sera caractérisé
par un renouveau démocratique d'un peuple réconcilié où la citoyenneté est une
réalité dans les institutions et dans tous les secteurs de la vie du pays, et
où les gens se reconnaissent d’abord autour des idées ou des options
politiques, sociales, économiques, culturelles, environnementales qu’ils
partagent et non sur des bases identitaires telles que l’appartenance ethnique,
clanique, religieuse, régionale.
Tirant les leçons du drame humanitaire rwandais, les
institutions publiques, en particulier les institutions relatives à la
souveraineté et la sécurité des citoyens et du pays, seront construites de
manière à assurer un leadership partagé des principaux groupes nationaux.
b.
Créer les conditions de la tenue et de la conclusion
d’un dialogue inclusif.
Il s’agira de mettre tout en œuvre afin de réaliser
les conditions maximales nécessaires à l’acceptation, par toutes les parties
impliquées dans la crise rwandaise, de la tenue, la conduite et la conclusion positive
d’un Dialogue inter-rwandais inclusif. Ce dialogue réunira les représentants
des acteurs des courants politiques et de la société civile.
Ces assises
prendront toutes les mesures prophylactiques (guca inzigo no kwunga) qui
s’imposent à tous les niveaux : institutionnel, socio-économique, politique et
culturel. Elle sera le garant d’un Rwanda redevenu une société tolérante
capable de gérer un développement socio-économique mieux partagé et durable. Il sera question de débattre d’abord, sans
tabous, des grands problèmes et défis nationaux, d’établir ensuite un processus
politique ainsi que des règles de participation à la vie publique susceptibles
de garantir un pays hospitalier à tous les Rwandais, de convenir enfin des éléments
fondamentaux d’un cadre institutionnel de gestion durable de l’Etat.
c.
Mettre un terme à l’impunité et créer les conditions
d’une justice impartiale et équitable
Notre organisation politique mettra tout en œuvre afin
d’instaurer une justice impartiale, indépendante, équitable et réparatrice. Si
la nécessité de la justice pour réussir la réconciliation s’avère cruciale, une
justice juste et équitable exige que celle-ci ne soit pas un outil
d’élimination de l’opposant politique ou qu’elle n’opère pas de discrimination
entre les victimes, ni ne favorise une catégorie de criminels.
Nous nous assurerons que les institutions judiciaires
recherchent toute la vérité sur le drame rwandais, établissent les
responsabilités individuelles, punissent effectivement les véritables coupables
sans discrimination et attribuent de justes réparations aux parents des
victimes. Elles devront installer dans la vie de tous les jours, le principe de
la présomption d’innocence, de la responsabilité criminelle individuelle et garantir
la fin de la présomption de culpabilité criminelle collective d’un groupe
national sur un autre.
d.
Mettre un terme à la discrimination et garantir
l’égalité de chances entre tous les citoyens rwandais.
Il s’agira de mettre en place des arrangements constitutionnels,
des cadres institutionnels et des programmes qui garantissent une prévention et
un traitement radical contre toute forme de discrimination entre les citoyens
et qui offrent des garanties aux différentes composantes de la société
rwandaise. Cela pour que tout un chacun se sente sécurisé et rassuré dans la
participation aux institutions, à l’exercice des droits civils et politiques,
dans la participation à la production de la richesse nationale et dans l’accès
équitable aux fruits de ladite richesse.
e.
Rapatrier les réfugiés et assurer leur réinsertion
Nous mettrons tout en œuvre pour créer les conditions
d’un rapatriement effectif de tous les réfugiés rwandais sans discrimination
aucune, sur la base du retour volontaire et assurer leur réinsertion effective
dans la vie économique, sociale, politique et culturelle du pays. Nous nous
engageons à mettre en place une gouvernance ainsi que toutes les mesures
nécessaires susceptible de mettre fin à l’exil continuel de rwandais, à chaque
changement de régime politique.
f. Restructurer l’économie nationale
Nous créerons les conditions d’une restructuration
profonde de l’économie nationale dans une perspective de durabilité afin de
permettre un accès égal des citoyens aux moyens de production et au crédit,
sources de création effective et continue de richesses individuelles et
collectives. Un accent particulier sera mis sur la création des emplois non
agricoles, d’une part, là où le Rwanda possède des avantages avérés ou peut en
développer d’autres, par exemple dans les transports, les finances, les
assurances et l’hôtellerie, d’autre part dans des secteurs à haute valeur
ajoutée telle que la micromécanique, l’électronique et les technologies de
l’information. Pour cela, des moyens très importants seront consacrés dans
l’éducation et la formation professionnelle.
Notre organisation politique créera les conditions
d’une juste et équitable répartition des fruits de l’effort national,
respectueuse et favorable au droit d’entreprendre dans le respect des droits
des travailleurs et de la solidarité nationale. Elle devra enfin créer pour le
Rwanda, les conditions d’une intégration politique et économique profonde aux
niveaux régional et africain.
g.
Contribuer à la sécurité régionale et à l’intégration
africaine
Un Etat africain qui jouerait aujourd’hui des coudes,
sans souci des autres, n’a aucune chance de défendre ses intérêts. La puissance
des sociétés multinationales est telle qu’aucun pays africain, pris
individuellement, ne peut résister à leur puissance économique, donc politique.
Les Pères des Indépendances africaines, eux, avaient
très tôt compris l’intérêt de la coopération et de l’intégration africaine en
tant que facteurs susceptibles de renforcer le poids politique, économique,
culturel de chaque pays africain, mais aussi du continent dans sa
globalité. Aucun pays africain n’est à
même d’identifier les urgences et d’élaborer les stratégies face aux grands
enjeux planétaires d’épuisement des énergies fossiles, d’eau, de réchauffement
climatique et de crise écologique globale, d’alimentation, de migrations
internationales, de sécurité et de géopolitique.
Aujourd’hui, dans un monde globalisé, où les Etats
faibles et les petits pays ne sont pas entendus, l’intégration africaine aussi
bien économique que politique, autour de grands ensembles régionaux, devient
une nécessité afin de permettre à l’Afrique, aux côtés d’autres Puissances,
d’avoir un mot à dire dans les affaires du monde.
Compte tenu de sa position géolinguistique favorable,
de son histoire d’Etat-Nation pluriséculaire, voire de la qualité de sa main
d’œuvre, le Rwanda recèle des atouts et des avantages comparatifs à s’intégrer,
voire à fusionner politiquement et économiquement dans un ensemble politique et
économique et culturel plus vaste.
Programme politique approuvé ce 28 décembre 2014 à
Bruxelles, Belgique.
Pour le Comité Exécutif,
Eugène NDAHAYO,
Président
Tel: +32465551485 ; Email: inkubiri1@fdunm.com
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