Par Cécil Kami
Democracy Human Rights
Le 2 Février 2014
Dès octobre de l’année
passée déjà et à la suite de la déconfiture des Forces armées rwandaises (RDF),
aile M23, l’on pouvait subodorer des chamboulements dans les rapports de force
et/ou des alliances au sein de l’espace politique des Grands lacs, plus
particulièrement au Rwanda. « Il se mijote un truc », écrivais-je alors, même
si, par la même occasion, je me demandais de quoi demain sera fait. Trois mois
après, l’équation est toujours à plusieurs inconnues et ce, malgré
d'importantes pièces de ce puzzle qui se mettent tout doucement en place. Les
mythes (entourant (la sainteté du Fpr) perdent de leur superbe et les tabous
(concernant la démonisation des Fdlr) ne tiennent presque plus personne. D’ores
et déjà donc, certaines tendances se dessinent clairement et sans devoir recourir
à une boule de cristal, il est relativement aisé de prédire quelques-uns des
faits qui inspireront certaines grandes décisions au cours de cette
année-ci.
D’entrée de jeu, le grand
fauteur de trouble de la sous-région a annoncé une année « pénible » et, comme
par hasard, juste quelques jours après, un de ses anciens frères d’armes
rendait l’âme en Afrique australe, assassiné par des sicaires que tout désigne
comme venant de Kigali. L'infortuné avait des liens avec un chef d'état que
Kagame menaça un jour de « cogner ». Ceci expliquerait-il cela? Toujours est-il
que ce qui, en d’autres temps, aurait pu n'être perçu que comme un « habituel »
assassinat politique de la part d’un pouvoir intolérant et anti-démocratique
conçu dans les caves de Basiima House, s’avérera finalement être un palier
supplémentaire franchi par le même pouvoir dans sa marche vers une
décomposition certaine. Les afande ne peuvent en effet plus faire semblant: ils
se savent condamnés et, grands preneurs de risques, ils jouent ouvertement le
tout pour le tout. Jusque-là, ils tuaient et niaient, mais maintenant, ils
inaugurent l’année en célébrant un crime et en incitant leurs inconditionnels à
en commettre davantage. C’est le tournant du désespoir.
Loin d’intimider ses opposants
par cette ignominie, le pouvoir de Kagame a conforté ces derniers dans leur
détermination à freiner ses élans tyranniques et de plus en plus suicidaires.
Unanimement, ils ont vigoureusement condamné ce crime de trop, poussant même le
grand allié américain à exprimer – une fois n'est pas coutume – ses
préoccupations par rapport à ce banditisme qui a fini par scléroser la
diplomatie rwandaise. Mieux, le doyen des opposants estime l’heure de la mise
en commun des ressources arrivée. De retour d’un périple africain, Faustin
Rukokoma Twagiramungu du RDI - Rwanda Rwiza convie ses pairs à une conférence
dont le but avoué est d’adopter une stratégie commune pour licencier l’homme
fort du Rwanda. Cet autre virage est une première dans l’histoire de l’opposition
à la dictature de Kagame. Le clou de l’invitation bien sûr: la présence
souhaitée des membres des Forces démocratiques de libération du Rwanda (Fdlr),
ceux-là mêmes à qui plus personne n’osait adresser la parole.
Sentant le vent tourner,
l’Afandie ressort ses vieux trucs destinés à distraire l’opinion et à masquer
la gravité de l’heure. En matière de « plans B », il n'y a pas deux comme
Kagame et ses techniciens. Pour ce coup-ci donc, ils organisent un (autre) procès
politique contre des personnes censées avoir orchestré une campagne de terreur
en tuant par grenades. Voulant lier leur toute dernière victime à cette
mascarade annoncée, ils présentent un compatriote qu’ils ont kidnappé en
Ouganda comme étant l’homme de main des terroristes présumés. Avec un courage
tout à fait déconcertant, le lieutenant Joël Mutabazi confirme que la peur a de
moins en moins d'emprise sur les Rwandais : il déclare le peu de confiance
qu’il a en une justice aux ordres des personnes qui ont bafoué toute la
légalité internationale en rapatriant de force le réfugié qu’il était. « Faites
ce que vous voulez messieurs les juges, seul Dieu tiendra compte de la vérité
que vous ne pouvez recevoir de moi ». Stoïque, il ajoute: « je sais que vous allez
m'assassiner »… En narguant ainsi la légitimité de la cour militaire,
l’ex-garde du corps de Kagame ouvre vraisemblablement la voie à plus d’audace
au sein de la grande muette.
Et comme pour ne rien
arranger, des nouvelles inquiétantes viennent des Nations Unies, d’habitude
promptes à s’incliner devant les multiples chantages des afande. Le comité des
sanctions de l’Onu a, malgré les jérémiades de Kigali, transmis au Conseil de
sécurité un rapport critique sur les duperies kagamiennes. Il y est notamment
écrit qu’« après la défaite du M23, ses combattants ont continué à se déplacer
librement en Ouganda et même à recruter au Rwanda ». Le camouflet. Ne sachant
pas trop comment contrer le contenu du rapport, le représentant du Rwanda a
littéralement perdu ses moyens et, au lieu de débattre du vrai sujet, a préféré
étaler une condescendance toute déplacée à l'égard du Congo. Une mauvaise
nouvelle ne venant jamais seule, le numéro deux de la représentation
diplomatique rwandaise à l’Onu est mise en cause dans une histoire de mails à
consonance ethnistes ou « divisionnistes » dont on n’ose pas (encore) imaginer
tous les aboutissants.
Voilà donc comment s'annonce
2014; avec une certitude: les lendemains qui vont déchanter. Pour l'Afandie. Le
grand Aimé Césaire avait déjà prédit que « c'est la tête enfouie dans le fumier
que les sociétés moribondes poussent leur chant de cygne ». Remplacez juste le
mot fumier par crime et vous comprendrez parfaitement la prochaine étape du
pouvoir en place à Kigali.
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