Wednesday, February 5, 2014

Rwanda: Virage, courage et camouflet; les tendances 2014


Par Cécil Kami
Democracy Human Rights
Le 2 Février 2014


Dès octobre de l’année passée déjà et à la suite de la déconfiture des Forces armées rwandaises (RDF), aile M23, l’on pouvait subodorer des chamboulements dans les rapports de force et/ou des alliances au sein de l’espace politique des Grands lacs, plus particulièrement au Rwanda. « Il se mijote un truc », écrivais-je alors, même si, par la même occasion, je me demandais de quoi demain sera fait. Trois mois après, l’équation est toujours à plusieurs inconnues et ce, malgré d'importantes pièces de ce puzzle qui se mettent tout doucement en place. Les mythes (entourant (la sainteté du Fpr) perdent de leur superbe et les tabous (concernant la démonisation des Fdlr) ne tiennent presque plus personne. D’ores et déjà donc, certaines tendances se dessinent clairement et sans devoir recourir à une boule de cristal, il est relativement aisé de prédire quelques-uns des faits qui inspireront certaines grandes décisions au cours de cette année-ci. 

D’entrée de jeu, le grand fauteur de trouble de la sous-région a annoncé une année « pénible » et, comme par hasard, juste quelques jours après, un de ses anciens frères d’armes rendait l’âme en Afrique australe, assassiné par des sicaires que tout désigne comme venant de Kigali. L'infortuné avait des liens avec un chef d'état que Kagame menaça un jour de « cogner ». Ceci expliquerait-il cela? Toujours est-il que ce qui, en d’autres temps, aurait pu n'être perçu que comme un « habituel » assassinat politique de la part d’un pouvoir intolérant et anti-démocratique conçu dans les caves de Basiima House, s’avérera finalement être un palier supplémentaire franchi par le même pouvoir dans sa marche vers une décomposition certaine. Les afande ne peuvent en effet plus faire semblant: ils se savent condamnés et, grands preneurs de risques, ils jouent ouvertement le tout pour le tout. Jusque-là, ils tuaient et niaient, mais maintenant, ils inaugurent l’année en célébrant un crime et en incitant leurs inconditionnels à en commettre davantage. C’est le tournant du désespoir.

Loin d’intimider ses opposants par cette ignominie, le pouvoir de Kagame a conforté ces derniers dans leur détermination à freiner ses élans tyranniques et de plus en plus suicidaires. Unanimement, ils ont vigoureusement condamné ce crime de trop, poussant même le grand allié américain à exprimer – une fois n'est pas coutume – ses préoccupations par rapport à ce banditisme qui a fini par scléroser la diplomatie rwandaise. Mieux, le doyen des opposants estime l’heure de la mise en commun des ressources arrivée. De retour d’un périple africain, Faustin Rukokoma Twagiramungu du RDI - Rwanda Rwiza convie ses pairs à une conférence dont le but avoué est d’adopter une stratégie commune pour licencier l’homme fort du Rwanda. Cet autre virage est une première dans l’histoire de l’opposition à la dictature de Kagame. Le clou de l’invitation bien sûr: la présence souhaitée des membres des Forces démocratiques de libération du Rwanda (Fdlr), ceux-là mêmes à qui plus personne n’osait adresser la parole.

Sentant le vent tourner, l’Afandie ressort ses vieux trucs destinés à distraire l’opinion et à masquer la gravité de l’heure. En matière de « plans B », il n'y a pas deux comme Kagame et ses techniciens. Pour ce coup-ci donc, ils organisent un (autre) procès politique contre des personnes censées avoir orchestré une campagne de terreur en tuant par grenades. Voulant lier leur toute dernière victime à cette mascarade annoncée, ils présentent un compatriote qu’ils ont kidnappé en Ouganda comme étant l’homme de main des terroristes présumés. Avec un courage tout à fait déconcertant, le lieutenant Joël Mutabazi confirme que la peur a de moins en moins d'emprise sur les Rwandais : il déclare le peu de confiance qu’il a en une justice aux ordres des personnes qui ont bafoué toute la légalité internationale en rapatriant de force le réfugié qu’il était. « Faites ce que vous voulez messieurs les juges, seul Dieu tiendra compte de la vérité que vous ne pouvez recevoir de moi ». Stoïque, il ajoute: « je sais que vous allez m'assassiner »… En narguant ainsi la légitimité de la cour militaire, l’ex-garde du corps de Kagame ouvre vraisemblablement la voie à plus d’audace au sein de la grande muette.

Et comme pour ne rien arranger, des nouvelles inquiétantes viennent des Nations Unies, d’habitude promptes à s’incliner devant les multiples chantages des afande. Le comité des sanctions de l’Onu a, malgré les jérémiades de Kigali, transmis au Conseil de sécurité un rapport critique sur les duperies kagamiennes. Il y est notamment écrit qu’« après la défaite du M23, ses combattants ont continué à se déplacer librement en Ouganda et même à recruter au Rwanda ». Le camouflet. Ne sachant pas trop comment contrer le contenu du rapport, le représentant du Rwanda a littéralement perdu ses moyens et, au lieu de débattre du vrai sujet, a préféré étaler une condescendance toute déplacée à l'égard du Congo. Une mauvaise nouvelle ne venant jamais seule, le numéro deux de la représentation diplomatique rwandaise à l’Onu est mise en cause dans une histoire de mails à consonance ethnistes ou « divisionnistes » dont on n’ose pas (encore) imaginer tous les aboutissants.

Voilà donc comment s'annonce 2014; avec une certitude: les lendemains qui vont déchanter. Pour l'Afandie. Le grand Aimé Césaire avait déjà prédit que « c'est la tête enfouie dans le fumier que les sociétés moribondes poussent leur chant de cygne ». Remplacez juste le mot fumier par crime et vous comprendrez parfaitement la prochaine étape du pouvoir en place à Kigali.

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