03/01/2014
Patrick Karegeya, l’ancien chef des renseignements extérieurs de Paul Kagame entre 1994 et 2004, l’homme de tous les secrets, qui avait fini par rompre avec son ancien chef, a été étranglé dans sa chambre d’hôtel de Johannesburg.
Réfugié en Afrique du Sud avec le général Faustin Kayumba Nyamwaza, ancien chef d’état-major de l’APR (Armée patriotique rwandaise), l’armée tutsi, l’ancien chef du renseignement militaire accusait de la façon la plus claire le président Kagame d’être le responsable de l’attentat du 6 avril 1994 qui coûta la vie au président Habyarimana, acte terroriste commis en temps de paix et qui fut l’élément déclencheur du génocide. Patrick Karegeya avait affirmé au micro de France Info qu’il était en mesure de prouver d’où les missiles avaient été tirés.
Au mois de juin 2010, le général Kayumba a survécu par miracle à une tentative d’assassinat dont les auteurs, des Rwandais, sont jugés en Afrique du Sud. Le jeudi 21 juin 2012, lors du procès, il fit une déclaration fracassante en affirmant sous serment que Paul Kagamé « a ordonné le meurtre du président Habyarimana». Il confirmait ainsi les termes de l’ordonnance du juge Bruguière accusant l’actuel chef de l’Etat rwandais d’être à l’origine de l’attentat déclencheur du génocide du Rwanda.
Apprenant la nouvelle de l’assassinat du colonel Karegeya, le général Kayumba a déclaré : « Le gouvernement du Rwanda est responsable de tout cela. Patrick Karegeya est réfugié ici, en Afrique du Sud. Il n’a jamais eu aucun problème avec qui que ce soit dans ce pays. Qui d’autre que le président Paul Kagame, qui l’a pourchassé au cours des dix dernières années, voudrait le voir mort ? C’est un assassinat politique comme le gouvernement du Rwanda en a toujours mené. C’est la politique du gouvernement du Rwanda de tuer ses opposants ».
Le général Kayumba et le colonel Karegeya demandaient depuis des mois à être entendus par la justice française car, affirmaient-ils, ils détenaient tous les secrets entourant l’attentat du 6 avril 1994. Le juge Trévidic ne pourra donc plus interroger le second…
Trois témoins de très haut rang sont encore en vie, le général Kayumba Nyamwasa, Gérald Gahima ancien procureur général du régime Kagame et Théogène Rudasingwa, ancien chef de cabinet du président Paul Kagame qui, tous trois accusent ce dernier d’avoir ordonné l’attentat qui fut l’élément déclencheur du génocide. Le juge Trévidic doit donc faire vite s’il veut pouvoir les interroger… A moins qu’en « haut lieu » il ait été décidé de « jouer la montre » afin de protéger Paul Kagamé...
Le 27 janvier 2014, je publierai aux éditions du Rocher un livre intitulé Rwanda : un génocide en questions[1]. Ce livre repose sur les archives jusqu’alors inexploitées du TPIR (Tribunal pénal international pour le Rwanda). Expert assermenté dans les principaux procès qui se tinrent devant ce tribunal créé par le Conseil de Sécurité de l’ONU, j’ai en effet eu accès aux dizaines de milliers de pages des procès-verbaux des audiences, aux auditions des centaines de témoins, aux innombrables pièces ajoutées en preuve ou en contre preuve, aux rapports présentés et défendus par les experts, aux interrogatoires, aux contre-interrogatoires et aux jugements rendus en première instance ou en appel. Cette considérable et irremplaçable masse documentaire était jusque là demeurée inutilisée ou même ignorée par tous ceux qui ont écrit sur le génocide, ce qui m’a permis de déconstruire point par point une histoire officielle frappée d’obsolescence ; à commencer par la question de l’attentat du 6 avril 1994.
[1] 286 pages, cahier de cartes en couleur, 22 euros.
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