Par Philibert Muzima
Conseiller Bénévole d'un jour de H.E Paul Kagame Président de la République du Rwanda.
Le 7 Decembre 2013
Monsieur Paul Kagame,
Président du Rwanda
C'est avec une grande tristesse que j'ai appris
hier le décès de Nelson Mandela. Tout comme le monde entier, son décès est pour
moi une occasion de méditer sur la vie et l'œuvre de l'homme.
Cela me donne également l'occasion de penser à
vous, Monsieur le Président. De penser à votre parcours politique depuis que
j'ai entendu parler de vous pour la première fois jusqu'aujourd'hui, mais
surtout de penser à vous dans les jours à venir.
J'ai entendu parler de vous pour la première fois
un peu après la libération historique de Nelson Mandela. Sa marche vers la liberté
le 11 février 1990 me rappelle que vous alliez commencer, huit mois plus tard,
la guerre de libération du Rwanda.
En 1994 vous mènerez l'armée du FPR-Inkotanyi que
vous commandiez à une victoire militaire dans un contexte de génocide. La même
année, Nelson Mandela accédait à la magistrature suprême du pays arc-en-ciel
obtenue après une victoire électorale de l'ANC dans un contexte de liesse.
Nelson Mandela termine sa vie comme un grand et
crée l'unanimité autours de son parcours. Le plus grand succès de sa vie aura
été le bras tendu à ses ennemis politiques. On l'entendra dès sa sortie de
prison, plus précisément le 26 février 1990, conjurer les Umkhonto we Sizwe et
les Inkatha d'enterrer la hache de guerre. L'ordre était on ne peut plus
formel: «Jetez dans la mer vos fusils, vos couteaux et vos machettes». Puis à
l'aube de sa présidence, on le verra porter le maillot de François Piennar,
capitaine des «Springbokke » ou «Amabokoboko», l'équipe sud-africaine de
rugby, alors exclusivement blanche!
Avant
d'aller aux obsèques
Aujourd'hui que le monde pleure le décès du grand
homme qu'est Nelson Madela, aujourd'hui que les leaders du monde annulent tout
de leur calendrier pour ne pas briller par leurs absences à ses obsèques, je me
propose votre conseiller bénévole d'un jour, Monsieur le Président.
Veuillez donc, Monsieur le Président, accepter mes
services qui se résument en cinq grands gestes que je vous recommande fortement
de poser avant d'aller aux obsèques de Madiba. Cinq gestes d'une grandeur à hauteur
d'homme :
1) Libère tous les prisonniers politiques qui
croupissent derrière les barreaux au Rwanda. Tu auras ainsi conquis ta haine contre
tes ennemis politiques tel Madiba serrant la main de Peter Botha ou lorsqu'il
enfila le maillot de François Piennar des Springbokke avant de lui remettre le
trophée Webb Ellis.
2) Rappelle tes sbires d'Afrique du Sud où ils
traquent implacablement ton frère devenu aujourd'hui ennemi à abattre. Qu'ils
ne souillent pas de sang le pays de Nelson.
3) Fais la paix avec tes amis d'hier devenus
aujourd'hui des ennemis à abattre. Ils ne sont que des adversaires politiques
non des ennemis.
4) Fais de ton parti, le FPR- ex Inkotanyi, à
l'instar de l'ANC-ex Umkhonto we Sizwe de Nelson, un parti qu'un membre peut
quitter sans devoir s'exiler loin du pays ou pire encore, aussi loin que le
cimetière. Sais-tu par exemple que Mangosuthu Buthelezi fut membre de l'ANC
mais n'est pas mort lorsqu'il fonda, en 1975 l'Inkhata Freedom Party? N'est-il
pas membre de l'assemblée nationale du parlement sud-africain depuis les élections
sud'africaines de 1994?
Tu n'en reviens pas, Monsieur le Président, mais en
2012, le bouillant Julius Malema, leader des jeunes de l'ANC a été exclu du
parti et non du pays ni de la vie? Savez-vous qu'il a déjà lancé son propre
parti et que, Inch'Allah, il n'en mourra pas?
Imagine que Monseigneur Desmond Tutu, le 10 mai
2013, déclarait ceci dans un journal sud-africain : « J'ai voté toutes ces
années pour l'ANC, mais malheureusement je ne pourrais plus voter pour eux vu
la manière dont les choses ont tourné »!
Et croyez-le, Monsieur le Président, Monseigneur Tutu
est encore en vie! Il mène une vie tranquille chez lui, dans son pays. Il n'est
même pas en résidence surveillée. Pas mal hein? Et si c'était par exemple un
Tito Rutaremara qui déclarait de tel propos sur le FPR-Inkotanyi; aurait-il
encore sa place au Rwanda? Penses-y Monsieur le président et démocratise ton
parti et ton pays. Tu auras ainsi ajouté une ressemblance de taille entre vous
et Nelson.
On se rappelle tous quel fut notre étonnement
lorsque Nelson refusa de briguer un second mandat et présentant son dauphin et
le prépara pour sa succession à la tête du parti et du pays. Tiens, c'est qui
ton dauphin Monsieur le Président?
5) Il est grand temps que tu présentes aux
militants et au peuple ton successeur au lieu de créer un vide autour de toi.
En refusant de tripoter la constitution pour
pouvoir briguer un nième mandat, tu auras cette fois-là, ressemblé non
seulement encore plus à Nelson, mais aussi à Julius et à un certain Léopold. Tu
auras également, du même coup brouillé tout ce qui pourrait te donner les
traits d'un certain Robert ou un certain Abdoulaye ou même un certain Yoweri.
Au nom de Nelson, pose ces grands gestes suggérés
par ton conseiller bénévole d'un jour puis, tête haute, vas t'incliner devant
l'homme à qui tu pourras ainsi facilement ressembler.
Si loin si
proche
Beaucoup vous séparent de Nelson certes, mais
beaucoup de rapprochent aussi. Vous êtes donc si loin si proche l'un de
l'autre.
Vous êtes tous les deux des freedom fighters. Il a
connu près de 30 ans de prison et toi, plus de 30 ans d'exil. Et Dieu sait que
la prison et l'exil sont si proches!
Nelson a créé l'unanimité sur sa qualité de
démocrate mais toi, tu es controversé. Il est adulé au niveau domestique et à
l'international, tu es plus craint qu'adoré sur les mêmes scènes. Je limite la
comparaison à ces seuls aspects puisque vous êtes sans ignorer qu'il y a pile
et face.
Le décès de Nelson survient au début de la
grand-messe «Inama y'umushyikirano». Dommage qu'il en soit ainsi sinon,
j'aurais dû remuer ciel et terre pour venir y assister, afin de te conseiller,
de visu, de poser de grands gestes susmentionnés avant de te rendre en Afrique
du Sud pour accompagner Nelson à son dernier repos.
Maintenant qu'il est trop tard pour moi d'être des
vôtres dans cette kermesse, je me contente d'une voie épistolaire pour porter
haut et fort ma voix et préparer ta valise pour ton prochain voyage au pays de
Nelson.
La paix des
braves
On appelle la « Paix des Braves » une proposition
ou des accords de paix à des conditions honorables en considération de la
bravoure des belligérants.
Monsieur le Président je rêve de te voir signer un
décret demandant au parquet de retirer toutes les accusations portées contre
Victoire Ingabire Umuhoza, d'amnistier et accorder une totale absolution à Deogratias
Mushayidi et à Bernard Ntaganda avant de les nommer qui au sénat, qui au
parlement où les débats d'idées doivent avoir leur place.
Monsieur le Président, la place des hommes et des
femmes politiques n'est pas en prison mais au parlement. Je brûle d'envie te
voir prendre ton avion présidentiel pour aller rapatrier en personne le Roi
Kigeri Ndahindurwa de son exil et lui confier les pouvoirs symboliques de
gardien de la tradition et de l'unité du pays.
Pourquoi ne passerais-tu pas le flambeau, après ton
second mandat, à Kayumba Nyamwasa comme Nelson le passa à Thabo ou ce dernier à
Jacob? Génial non? Difficile, voire même impossible, dis-tu? Pas du tout
Monsieur le Président!
Il suffit de remettre les pendules à l'heure et
signer une paix des braves, cette entente qui n'a que des vainqueurs et des
gagnants, car personne n'est ni vaincu ni perdant.
«Jetez vos armes à la mer» comme dirait Nelson,
prenez vos violons et accordez-les au même diapason. Remettez vos pendules à
l'heure, tablez plutôt sur ce qui vous unit au lieu de focaliser sur ce qui ne
devrait même pas vous exaspérer et le tour sera joué.
Mais si tu veux que le prochain locataire du
Village Urugwiro soit un civil, regarde donc du côté de la BAD. Tu y dénicheras
un candidat qui pourra faire l'unanimité tant au sein de l'établissement du
parti que de la communauté internationale.
Pour meubler ta retraite bien méritée après 24 ans
de services à la nation, tu peux garder ton poste de chairman du parti et ainsi
tirer les ficelles d'aussi peu loin que le bord du lac Muhazi.
Espérant que votre Excellence daignera réserver une
suite favorable à la présente, veuillez agréer, Monsieur le Président,
l'assurance de mes sentiments patriotiques.
Merry
Christmas!
Source: DHR
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