Emmanuel Hakizimana et Gallican Gasana
L'Aut'Journal
L'Aut'Journal
23 septembre 2013
Pendant que la guerre en Syrie défraie quotidiennement les chroniques de grands journaux, celle dans la région des Grands Lacs africains, qui dure depuis plus de vingt ans, continue de faucher des vies humaines sans créer de remous dans les médias occidentaux.
Profitant de cette léthargie médiatique, les responsables de cette folie meurtrière qui a déjà emporté plus de huit millions de victimes se délectent en sillonnant les capitales et les grandes villes occidentales pendant que leurs hommes de main rasent des familles entières.
C’est ce que s’apprête à faire le président rwandais Paul Kagame qui, selon une annonce de l’ambassade du Rwanda au Canada, séjournera à Toronto les 27 et 28 septembre prochains.
Les ressortissants de la région des Grands Lacs africains, Rwandais, Congolais, Burundais et Tanzaniens fortement indignés de cette situation ont envoyé des lettres de protestation au gouvernement canadien.
Ils ont demandé que le président Kagame ne soit pas autorisé à entrer au Canada étant donné les accusations de crimes contre l’humanité qui pèsent sur lui, ses discours incendiaires ainsi que d’autres graves violations des droits de la personne dont son régime est responsable.
Ils ont aussi prévenu les autorités canadiennes de l’insécurité qui risque de provenir de cette visite, le président Kagame étant réputé laisser sur son passage des agents destinés à pourchasser ses opposants.
Cependant, ceux-ci se préparent aussi à son éventuel arrivé et promettent d’affluer de partout au Canada et aux États-Unis pour manifester contre celui qui est désormais qualifié de plus grand criminel au monde encore en fonction.
De fait, le bilan du président Kagame en matière de criminalité est extrêmement lourd. En voici quelques éléments :
Les rapports d’experts des Nations Unies attestent que le Rwanda soutient en hommes, armes et munitions les rebelles congolais du M23 qui sévissent dans l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC). Ces rebelles sont responsables de crimes contre l’humanité, de viols systématiques ainsi que des enrôlements forcés de jeunes enfants. La responsabilité de l’armée de Paul Kagame dans ces crimes a amené beaucoup de pays donataires dont la Grande Bretagne, les États-Unis, l’Allemagne et les Pays Bas à réduire considérablement l’aide qu’ils accordaient au Rwanda.
Le rapport des Nations Unies Projet Mapping concernant les violations les plus graves des droits humains commises entre 1993 et 2003 sur le territoire de la RRDC impute à l’armée rwandaise sous le commandement du Général Kagame de graves violations des droits de la personne et du droit humanitaire international. Il affirme que les crimes qui ont été commis pendant la période couverte sur des populations congolaises ainsi que des réfugiés hutus rwandais peuvent être qualifiés de génocide, si des éléments de preuve étaient apportés devant un tribunal compétent.
Le régime de Paul Kagame est également régulièrement dénoncé par les grandes organisations de défense des droits de la personne et de liberté d’expression tel que Human Rights Watch, Amnesty International et Reporters sans Frontières pour la persécution, l’emprisonnement et l’assassinat d’opposants politiques et de journalistes indépendants.
À titre illustratif, il y a lieu de citer le cas de l’ancien vice-président du Parti Vert, M. André Kagwa Rwisereka, qui est mort décapité un mois avant les élections présidentielles d’août 2010, l’assassinat du journaliste Jean Léonard Rugambage ainsi que l’emprisonnement de Mme Victoire Ingabire Umuhoza, M. Déogratias Mushayidi et Me Bernard Ntaganda, respectivement présidents des partis FDU-Inkingi, PDP-Imanzi et PS-Imberakuri.
Le président Paul Kagame envoie même à l’étranger des escadrons pour assassiner les opposants et les journalistes indépendants qui l’ont fui. L’assassinat en Ouganda du journaliste Charles Ingabire, la tentative d’assassinat en Afrique du Sud du Général Kayumba Nyamwasa ainsi que celle de M. Jonathan Musonera et M. René Mugenzi en Grande Bretange sont l’œuvre de ces escadrons.
À en croire ses propres dires, le président Kagame prévoit étendre sa zone de criminalité à la Tanzanie. Dans un discours incendiaire prononcé le 30 juin 2013 devant un millier de jeunes, il a promis « d’attendre le Président Kikwete au bon moment et de le frapper ».
Le geste qui a valu au président Tanzanien de telles menaces est d’avoir proposé, à l’occasion du 21ième sommet de l’Union Africaine du 26 mai 2013 à Addis-Abeba, la tenue de négociations générales de tous les acteurs impliqués dans la guerre au Congo. Selon le président Kikwete, si Kinshasa négocie avec ses adversaires du M23, il faut aussi que Kigali et Kampala engagent un dialogue avec les rebelles opposés à leurs régimes.
Toutes ces raisons poussent des milliers de Congolais, de Rwandais, de Burundais et de Tanzaniens qui ont immigré en Amérique du Nord à se mobiliser en vue d’une grande manifestation à Toronto contre le président Kagame, advenant que le Canada lui accorde un visa d’entrée.
Mais il y a lieu de se demander pourquoi, si le Canada expulse régulièrement des personnes soupçonnées d’avoir commis des crimes de génocide, des crimes de guerre, des criomes contre l’humanité ou d’avoir prononcé des discours haineux, il accueillerait sur son territoire une personne, fusse-t-elle un chef d’État, qui a fracassé tous les records historiques en matière de criminalité.
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