Pour qui doutait encore du manque d’équité et du
manque d’indépendance de la justice rwandaise vis-à-vis du régime de Paul
Kagame, que les yeux se dessillent. Tout au long du procès nous n’avons pas
manqué de vous montrer combien la Haute Cour, faisant fi de la procédure
judiciaire et des preuves nettes d’innocence présentées par la défense, a
persisté dans ses errements et s’est déclarée compétente pour juger des faits,
non prouvés et contestés par ailleurs par la défense, qui se seraient déroulés
avant que la loi les réprimant n’existât ou des faits qui auraient été commis
en dehors du territoire de compétence de la Haute Cour. Même le pourvoi illégal
de documents venus des Pays Bas, censés montrer la collaboration de Madame Victoire
Ingabire avec la rébellion armée des Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR), s’est révélé être une baudruche.
Le Procureur n’a pas fourni, au-delà de tout doute raisonnable, les preuves de
culpabilité de Madame Victoire Ingabire. En ne considérant pas les témoignages
et les entorses graves à la procédure présentés par la défense, de surcroît, en
ne respectant pas les principes juridiques élémentaires de non rétro-activité
de la loi pénale et de la compétence territoriale, la Haute Cour a failli à
dire le droit et a renié à Madame Victoire Ingabire tout droit à un procès
équitable.
Alors que le régime voulait faire du procès de Madame
Victoire Ingabire un acte banal de justice de droit commun, il a été pris, à
plusieurs occasions, en flagrant délit de la manipulation de la justice. En
effet, la décision prise le 16 avril 2012 par Madame Ingabire de se retirer du
procès est venue au moment précis où, contrairement à la procédure, un des
témoins de la défense, Monsieur Michel Habimana, venait de subir des menaces et
des interrogatoires illégaux musclés en prison, en l’absence de son avocat,
sans autorisation de la Cour. Et, quand, le lendemain, le témoin est revenu à
la Cour rapporter l’incident, en l’informant en même temps que sa cellule avait
été fouillée de fond en comble, Madame Victoire Ingabire Umuhoza a demandé à la
Cour de pouvoir s’exprimer. Au vu de l’extrême gravité du fait rapporté,
considérant ce fait comme certainement prémonitoire des obstructions futures
aux dépositions des autres témoins attendus pour sa défense, en plus des
irrégularités accumulées tout au long du procès, Madame Victoire Ingabire s’est
levée pour annoncer à la Cour, qu’elle avait perdu toute confiance en
l’institution judiciaire et qu’elle se retirait définitivement du procès. Elle
venait de donner la preuve par neuf que la justice rwandaise ne fonctionnait
pas et qu’elle était sous l’emprise totale du pouvoir exécutif.
Le procès intenté par le
pouvoir contre la Présidente des FDU Inkingi est un procès politique
Les faits reprochés à la Présidente des FDU-Inkingi
d’atteinte à la sûreté de l’Etat, de divisionnisme, de négationnisme, se sont
révélés être des montages destinés à condamner coûte que coûte une opposante
politique qui dérange. Il n’existe plus aucune ombre d’un doute: le procès
intenté par le pouvoir contre Madame Victoire Ingabire est un procès éminemment
politique. Madame Victoire Ingabire dérange à cause de son parti pris pour la
réconciliation et pour une justice rendue à toutes les victimes et à tous les
bourreaux; elle dérange pour son combat résolu contre la dictature du général
Paul Kagame. En condamnant une personne innocente à une aussi lourde peine, en
plus pour des faits qui relèvent exclusivement de la politique, le pouvoir
cherche à réprimer toute opinion dissidente et ainsi maintenir la population
dans la peur et dans la soumission, sous son emprise totalitaire. En même
temps, le régime de Kigali a donné à l’opinion nationale et
internationale un signal sans ambiguïté qu’il n’était certainement pas prêt à
ouvrir le moindre espace politique et à entrer en dialogue avec son opposition
politique.
Les FDU-Inkingi restent
toujours attachées au règlement pacifique des différends politiques
Il est à présent acquis pour les FDU-Inkingi que le
régime rwandais n’ouvrira pas, de son gré, l’espace politique. Après deux ans
et demi de demande d’enregistrement du parti sans succès, il est désormais
clair que le Président Paul Kagame n’agréera jamais les FDU-Inkingi. En
condamnant à une peine de prison Madame Victoire Ingabire, laquelle était
rentrée au pays avec la mission de faire agréer les FDU-Inkingi et de se
présenter aux élections présidentielles, le régime rwandais opère une rupture
politique essentielle qui devrait être condamnée par tous les acteurs nationaux
et internationaux, tant de la société civile que du monde politique, épris de
paix et soucieux de la transition démocratique au Rwanda.
Le pouvoir vient de condamner Madame Victoire
Ingabire à une peine d’emprisonnement, mais il ne peut pas emprisonner
l’espérance qu’elle a suscitée et qu’elle incarne désormais. La Présidente des
FDU-Inkingi a tracé le chemin de l’émancipation que le régime ne pourra plus
barrer, ni indéfiniment, ni impunément.
Même si la formation politique des FDU-Inkingi constate
une fois encore la propension du régime de Kigali à privilégier la force dans
le règlement des conflits politiques, nous ne nous laisserons pas démontés par
le secret espoir du régime rwandais de nous entrainer dans la voie de la
violence. La violence ne sera jamais notre choix politique. Elle nous sera
imposée par le pouvoir de Kigali. Même si le général Kagame a montré par le
passé qu’il pouvait tolérer n’importe quel prix humain pour l’accès ou le
maintien au pouvoir, pour les FDU-Inkingi, les dégâts humains induits par la
tragédie passée de notre peuple sont déjà considérables qu’il convient de se
garder d’en créer de nouveaux, car les conséquences humaines seraient plus
incommensurables. Les FDU-Inkingi restent attachées à la voie de la négociation
et continueront à le demander, envers et contre tous, afin d’assurer une
transition paisible de notre pays vers la démocratie et vers la
réconciliation. Les FDU-Inkingi espèrent
que le général Kagame saisira cette perche tendue pour accepter sans contrainte
des négociations avec son opposition politique.
L’heure est encore au choix
possible pour le Président Kagame
Nous lançons un appel solennel au peuple rwandais
pour qu’il ne cède pas aux sirènes va-t-en-guerre pressés qui, devant cette
impasse de fermeture de l’espace politique, ne tarderont pas à se manifester et
chercheront à l’entrainer dans la lutte armée pour se maintenir ou accéder au
pouvoir. Une telle aventure, destinée à attirer une clientèle crédule,
servirait, à regarder de près, à légitimer plus le pouvoir en place qu’à offrir
des possibilités réelles de libération populaire.
L’heure est encore au choix possible pour le
Président de la République Paul Kagame. Ce dernier peut décider de rester au
pouvoir par les négociations, que nous lui demandons d’ouvrir avec son
opposition politique. Le Président Paul Kagame peut aussi décider de partir par
les armes qu’il nous aura lui-même imposées.
Il est minuit moins cinq passé, Docteur Schweitzer!
Fait à Lausanne , le 30 Octobre 2012.
Pour le Comité de Coordination des FDU-Inkingi
Dr. Nkiko
Nsengimana
Coordinateur
Coordinateur
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