11 août 2012
Depuis la sortie en juin dernier du rapport du Groupe d’experts de l’ONU sur le Congo accusant le régime de Kigali de soutenir en hommes, armes et munitions la rébellion congolaise M23, les signaux de fin de règne se multiplient pour Paul Kagame avec des sanctions qui fusent de partout.
Les États Unis ont suspendu leur aide militaire pour l’année fiscale 2012, les Pays-Bas, l’Allemagne ainsi que le Royaume-Uni ont gelé leur aide budgétaire et les pays scandinaves qui siègent au conseil d’administration de la Banque Africaine de Développement ont demandé à cette dernière de retarder le déboursement des fonds pour le Rwanda.
Le chef du bureau de la justice criminelle internationale au département d’État américain, M. Stephen Rapp, a même évoqué l’éventualité de traduire certains dirigeants rwandais, dont Paul Kagame, devant la Cour pénale internationale s’ils ne cessent pas d’appuyer le M23 qui, par ailleurs, est dirigé par Bosco Ntaganda, lui-même recherché par la CPI.
Pendant ce temps, le rapprochement s’accélère entre Hutu et Tutsi, les deux ethnies qui se sont particulièrement affrontées au cours de l’histoire du Rwanda. Ainsi, le samedi 28 juillet 2012, faisant référence aux cinquante ans d’indépendance du Rwanda, deux organisations de l’opposition rwandaise, Amahoro Congrès du Peuple et le Congrès National Rwandais (RNC), ont tenu ensemble à Montréal une conférence intitulée « Comment vivre ensemble les cinquante prochaines années ».
Pour la première fois en sol canadien, Hutu et Tutsi se sont assis ensemble pour discuter de leurs différends séculaires. Pour la première fois aussi, les personnalités invitées étaient, non seulement les représentants des partis d’opposition et des groupes de pressions rwandais, mais aussi ceux du régime de Kigali au Canada. Ces derniers n’ont cependant pas honoré l’invitation et le siège qui était réservé au Haut commissariat du Rwanda au Canada est resté vide tout au long de la conférence.
Les débats étaient dirigés par un rescapé du génocide et membre d’Amahoro Congrès du Peuple, M. Etienne Masozera. Parmi les intervenants figuraient d’anciens collaborateurs du président Kagame à savoir Dr. Théogène Rudasingwa, ancien chef de cabinet du président Kagame, Général Kayumba Nyamwasa, ancien chef d’État major de l’armée rwandaise ainsi que le Capitaine Jonathan Musonera qui a failli être assassiné par des escadrons de la mort de Paul Kagame n’eut été la vigilance des services de renseignement britanniques.
L’envoyé d’une organisation qui prône le rétablissement de la monarchie, M. François Utazirubanda, a lui aussi eu l’opportunité de présenter l’option d’une monarchie constitutionnelle.
La conférence s’est entièrement déroulée en langue rwandaise et a été suivie en direct par des milliers de rwandais partout au monde entier grâce à la radio Internet de l’opposition ITAHUKA.
Bien que les débats n’aient pas pu aborder tous les aspects cruciaux du problème rwandais, certaines observations sont clairement ressorties.
Ainsi, l’auditoire s’est accordé sur le fait que la démocratie est incontournable pour la paix et le développement au Rwanda. De même, il a été souligné que l’armée rwandaise a été, de tout temps, presque entièrement mono-ethnique, tantôt Hutu tantôt Tutsi, et que cette situation est responsable des exactions qui ont toujours été commises sur l’ethnie non représentée dans les forces de l’ordre et de sécurité.
Les deux conférencières qui étaient présentes, Mme Perpétue Muramutse du Réseau international des femmes pour la démocratie et la paix ainsi que Mme Alène Munyemana du RNC, ont aussi fait remarquer, exemples à l’appui, que la femme rwandaise ne détient aucun pouvoir et que la forte composition féminine du parlement ne sert qu’à embellir l’image du régime actuel face à la communauté internationale.
Ces observations, notamment l’aspiration à la démocratie, transparaissent aussi dans les écrits de trois partis politiques qui n’ont pas pu participer à la conférence mais qui ont transmis leurs messages aux organisateurs. Il s’agit des FDU-Inkingi et du PS-Imberakuri dont les présidents croupissent dans les prisons du régime de Kigali ainsi que de l’UDFR-Ihamye.
Pour bon nombre d’observateurs, cette conférence a clairement montré que les Hutu et les Tutsi sont parfaitement capables de débattre en toute harmonie de leurs différends les plus dramatiques et d’en chercher des solutions, et que le seul obstacle demeure le régime en place.
L’absence de la Haut commissaire du Rwanda au Canada à cette rencontre dont l’objectif était la recherche des voies et moyens pouvant permettre aux rwandais de vivre en harmonie dans l’avenir, alors qu’elle y avait été invitée, n’est pas de nature à contredire ce constat.
De même, bien que les débats aient essentiellement porté sur la situation intérieure au Rwanda, les suggestions de solutions dégagées peuvent également, si elles sont appliquées, permettre le retour de la paix dans toute la région des Grands Lacs africains.
De fait, s’il y avait eu la démocratie au Rwanda, le président Kagame n’aurait pas pu à lui seul prendre la décision de mener la guerre en République Démocratique du Congo. Le parlement aurait eu son mot à dire et n’aurait certainement pas permis que de jeunes rwandais aillent combattre et se faire tuer dans une guerre insensée.
Puisse la communauté internationale continuer à faire pression sur Kagame pour qu’il arrête son agression du Congo et commencer à aider fermement le peuple rwandais à concrétiser ses aspirations à la démocratie et à la réconciliation.
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