Par Mélanie Mendelewitsch
Mercredi, 30/05/2012
Le président rwandais est devenu docteur honoris causa d'une université américaine le même jour que l'ancien PDG de la Citybank...qui l'a bien aidé à financer ses guerres au Congo.
Samedi 12 mai 2012, Sanford Weill et son épouse Joan, ont été faits « Docteurs Honoris Causa » de l’université de Sonoma dans le Comté du même nom en Californie.
Le même jour, c’était au tour d’un autre étudiant modèle, à savoir le président Rwandais Paul Kagamé, de recevoir son diplôme en « Lettres et Humanité » des mains du doyen de l’université William Penn qui fait la fierté de l’état US de l’Iowa.
Deux étudiants hors du commun, devenus Docteurs « Honoraires » le même jour à 2 500 kilomètres de distance, liés peut être à l’insu de leur plein gré, par un même destin.
Il faut bien le reconnaitre, l’un comme l’autre n’ont pas lésiné sur les moyens pour obtenir leur distinction académique…
Sandy, l’ancien Président Directeur Général de Citigroup, a commencé par verser 12 millions de dollars particulièrement appréciés par le conseil d’administration de la fac californienne. Ils vont notamment servir à terminer le Green Music Center de 1400 places qu’on a évidemment décidé de baptiser « Joan & Sandford Weill Symphony Hall ».
La reine des Subprimes
Les étudiants locaux dont les parents ont vu ces derniers mois leur maison saisie à la demande de la Citibank, l’une des reines des subprimes, ou qui peinent à rembourser leurs prêts-étudiant, se sont probablement abstenus d’assister à la cérémonie. Il paraît que ceux qui y étudient la finance ont gardeé en travers de la gorge la bouée de sauvetage de 475 milliards de dollars –la plus élevée à ce jour - de fonds publics débloqués en urgence par les Etats Unis pour éviter à Citigroup de sombrer au top de la crise financière. Plus directement, personne n’a zappé que sous l’administration Clinton, Sandy a largement contribué à la mise en pièces de la loi Glass-Steagall, ouvrant grand la porte à la bancocratie triomphante dont nous continuons à payer le prix. D’ailleurs, le Time Magazine ne s’y est pas trompé en le plaçant dans un tout autre palmarès, bien avant qu’il reçoive son titre honorifique, comme l’un des 25 responsables de la crise financière mondiale. La Classe.
Pour Paul Kagamé, l’actuel président Rwandais, c’est sans doute sa parfaite connaissance de la géographie du Rwanda, du Burundi et du Congo qui justifie sa distinction par l’université de l’Iowa.
D’ailleurs pour célébrer l’événement, le Haut Commissariat aux Réfugiés de l’ONU a publié le 16 mai, une photo saisissante accompagnée d’un commentaire selon lequel depuis le 27 avril, 8200 nouveaux congolais ont franchi la frontière orientale du Congo pour se réfugier dans les camps rwandais. Un mois plus tard, 30 000 autres malheureux reprenaient en chœur le fameux slogan : « En Mai, deviens Ougandais »…
Un doctorat à 5,4 millions de morts
La thèse de Doctorat de Kagamé Paul, étudiant à l’université William Penn, a malheureusement été écrite en… 2001 par l’ONU ; son titre ? « Rapport du groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et d’autres formes de richesses de la République Démocratique du Congo ».
Le remarquable travail de recherche, décrit notamment le rôle de la Citibank dans le transfert vers le Rwanda, du coltan, ce minerai stratégique dont 60 à 80% des réserves mondiales sont concentrées dans la région du Kivu, et le rapatriement d'une partie des profits vers le Congo afin d’y soutenir l’effort de guerre de l’étudiant Kagamé.
Le 12 mai, pendant le discours du doyen, de nombreux étudiants qui assistaient à la petite fiesta étaient plongés dans les paragraphes 130 à 135 de la thèse en question : la partie consacrée aux instructions données à la Citibank à New York par une banque rwandaise, la BCDI, de payer les millions de dollars de factures des entreprises rwandaises qui approvisionnaient les milices locales pendant la deuxième guerre du Congo.
Un pré-jury, l’ONG « Comité International de Sauvetage » - IRC - fondé en 1933 sous l’inspiration d’Albert Einstein pour apporter son assistance aux réfugiés victimes de guerres et de catastrophes naturelles, s’est d’ailleurs penché dès janvier 2008 sur les circonstances à l’origine de la distinction universitaire de Paul Kagamé. Il a estimé que les conflits congolais avaient provoqué la mort de 5,4 millions de personnes entre 1998 et 2008. Majoritairement victimes de famines et d’épidémies multiples contractées dans les camps de réfugiés et au sein des populations déplacées…A la lumière de ces infos, on peut se légitimement se poser la question : le mot Honneur a-t-il encore un sens ?
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