Bruxelles: Marche de soutien en faveur d’une prisonnière politique, Mme Victoire Ingabire Umuhoza
Par Nkiko Nsengimana
Président du Comité de coordination des FDU-InkingiBruxelles, le 12.05.2012
« Ayant perdu tout espoir à un procès équitable, Madame Victoire Ingabire Umuhoza, Présidente des FDU Inkingi se retire du procès »
Aujourd’hui le 12 mai 2012, nous sommes venus à Bruxelles, saluer le courage et le sens politique d’une grande Dame. Madame Victoire Ingabire Umuhoza, Présidente des FDU Inkingi.
Le régime pris à son propre piège de manipulation politique du procès
Alors que le régime voulait faire du procès de Madame Victoire Ingabire un acte banal de justice de droit commun, le voici rattrapé par son propre jeu et pris dans le piège de la manipulation de la justice. En effet, la décision prise le 16 avril 2012 par Madame Ingabire de se retirer du procès au moment précis où, contrairement à la procédure, un des témoins de la défense, Monsieur Michel Habimana, venait de subir des menaces et des interrogatoires illégaux musclés en prison, en l’absence de son avocat, sans autorisation de la Cour. Il est superflu de mentionner que la défense n’a nullement été informée d’une telle action.
Et, quand, le lendemain, le témoin est revenu à la Cour rapporter l’incident, en l’informant en même temps que sa cellule avait été fouillée de fond en comble, Madame Victoire Ingabire Umuhoza a demandé à la Cour de pouvoir s’exprimer. Au vu de l’extrême gravité du fait rapporté, considérant ce fait comme certainement prémonitoire des obstructions futures aux dépositions des autres témoins attendus pour sa défense, en plus des irrégularités accumulées tout au long du procès, Madame Victoire Ingabire s’est levée pour annoncer à la Cour, qu’elle avait perdu toute confiance en l’institution judiciaire et qu’elle se retirait définitivement du procès. Elle venait de donner la preuve par neuf que la justice rwandaise était sous l’emprise totale du pouvoir exécutif.
Madame Victoire Ingabire a voulu donner une chance à la justice
Même si Madame Victoire Ingabire considérait les risques de se présenter devant une justice qui n’avait aucune légitimité pour la juger, elle a néanmoins accepté de lui accorder le bénéfice du doute. Pariant sur l’évidence de son innocence, malgré une presse officielle qui la comparait au terroriste d’Al Qaeda, feu Ben Laden, la condamnait d’avance, faisant fi de la présomption d’innocence, malgré les multiples déclarations du Président de la République selon lesquelles il allait lui opposer la « muraille de Chine »de ses lois, ou selon lesquelles la prévenue présumée avait reconnu les faits coupables lui imputés, Madame Ingabire a pensé que la Cour ne tarderait pas de se convaincre de la futilité et de l’inconsistance des charges qui pesaient sur elle. Parce que son dossier était vide. Gageant sur un minimum de déontologie professionnelle, que des corps de métiers aussi prestigieux que l’institution judiciaire devaient défendre, elle s’est présentée, avec sa candeur, devant le Tribunal.
Avec une infinie patience, Madame Victoire Ingabire a assisté à un amas de dépositions surréalistes contre elle : des accusations fantaisistes d’atteinte à la sûreté de l’Etat, de terrorisme, des co-accusés repentants qu’elle connaissait à peine qui se révélaient être plutôt des accusateurs, des charges commodes d’idéologie du génocide et de divisionnisme qu’ils lui imputent à partir d’une analyse d’une exégèse d’un autre âge du discours au Mémorial du génocide, le pourvoi illégal de documents venus de Hollande censés montrer sa collaboration avec les FDLR. Elle a assisté à tout cela et à chaque fois, en a montré les entorses légales. Cependant, la Cour continuait de ne rien savoir. Ce sont finalement, les menaces et les interrogatoires musclés en prison du premier témoin de la défense par les services du gouvernement qui ont constitué la goutte d’eau qui ont fait déborder le vase et ont amené Madame Victoire Ingabire à prendre la décision de quitter le procès et à enjoindre ses avocats de faire de même.
La justice rwandaise ne fonctionne pas
Tout au long du procès, nous n’avons pas manqué de répercuter devant l’opinion, tant nationale qu’internationale, les audiences où la Cour, faisant fi des principes généraux du droit et du code de procédure pénale, a persisté dans ses errements et s’est déclarée compétente pour enfreindre à la règle de droit et pour juger des faits qui ne relevaient pas de sa compétence : la validation des documents venus de Hollande illustrent parfaitement nos propos. La justice, c’est d’abord le respect de la procédure, laquelle annonce et garantit, avant tout procès, comment les justiciables vont être traités.
En ne considérant pas les preuves fournies par la défense, en refusant à cette dernière de contre-interroger les témoins du procureur, en ne respectant pas scrupuleusement les principes de la non rétroactivité de la loi pénale et de la compétence territoriale des juridictions, en cherchant à appliquer des lois vagues et anticonstitutionnelles contre le divisionnisme ou contre l’idéologie du génocide, enfin en ne sanctionnant pas le pouvoir exécutif pour avoir violé les droits de la défense, la Cour a définitivement failli à son devoir de dire le droit et a ainsi renié à Madame Victoire Ingabire Umuhoza le droit à un procès équitable.
Avoir accepté de collaborer de bonne foi avec la justice a été considéré par certaines personnes comme de la faiblesse. Il convient de se rendre à l’évidence que cette stratégie de donner la chance de dire le droit se révèle aujourd’hui être une force inestimable. La justice n’a pas pu la saisir et la preuve est faite. Pour qui doutait encore du manque d’indépendance de la justice rwandaise et de sa mise sous tutelle par le pouvoir exécutif, que les yeux se dessillent. La justice rwandaise ne fonctionne pas.
Madame Victoire Ingabire n’a jamais demandé de grâce présidentielle
Le Comité de coordination des FDU Inkingi saisit l’opportunité pour démentir solennellement les propos du Procureur, colportés ensuite par une presse à la botte du régime de Kigali, selon lesquels la Présidente des FDU aurait reconnu les faits et aurait sollicité en novembre 2011 la grâce présidentielle. Ces informations, qui rappellent les déclarations précédentes du Président Kagame, quand le 12 décembre 2011, en visite à Kampala, ce dernier a affirmé que les avocats de la défense s’étaient retirés du procès, ces informations sont dénuées de tout fondement et demandons à l’opinion de ne leur prêter aucun crédit. Nous pouvons affirmer que Madame Victoire Ingabire, tout en laissant des ouvertures au pouvoir qu’elle combattait, est toujours restée constante, tant dans ses revendications politiques, que dans sa défense.
Le 21 janvier 2010, bien avant sa première arrestation, elle avait écrit au Président de la République pour solliciter une audience afin d’étudier avec lui les voies et moyens d’ouverture de l’espace politique pour l’ensemble des formations politiques, en particulier celle de l’opposition au régime. Durant toutes les phases du procès, elle n’a cessé de demander au Président de la République de ne pas s’immiscer dans les affaires de la justice dès lors que c’était le Chef de l’Etat qui avait enjoint aux services du Parquet de la poursuivre. S’adressant à lui, en tant que gardien de la Constitution, garant des institutions et magistrat suprême, Madame Victoire Ingabire, lui a régulièrement requis qu’elle ne soit, ni poursuivie, ni détenue pour des faits lui imputés qu’elle n’avait pourtant pas commis.
Etant donné que le Parquet dit avoir versé, dans le dossier pénal devant la Cour, le document de la prétendue demande de grâce présidentielle, nous ferons tout ce qui est de nos possibilités pour mettre la main sur cette pièce pour la récupérer et diffuser le contenu incontestable à l’ensemble de l’opinion tant nationale qu’internationale. Tel est notre engagement.
Que la politique reprenne ses droits
Même si depuis le début, le procès était politique, aujourd’hui, avec le retrait de Madame Victoire Ingabire du simulacre de procès, la politique reprend tous ses droits. N’oubliez pas que le régime de Kigali nous a déclaré la guerre, une guerre qu’il nous livre mais qui ne dit pas son nom. Rappelez-vous quand, voulant barrer la route à la présidente des FDU Inkingi pour l’élection présidentielle d’août 2010, il a soutenu :« nous nous sommes battus et ce que nous [le FPR, ndlr] avons obtenu par les armes, ils ne nous le prendront pas par les urnes ».
Aujourd’hui, la guerre médiatique que nous lance le régime, en constitue la manifestation la plus immédiate et la plus visible. C’est la raison pour laquelle, nous vous demandons de ne pas trop vous confier à la propagande officielle du régime ou de ses relais, dès lors qu’il diffuse de l’information à notre encontre. Avant de propager à votre tour de telles informations, venez plutôt spontanément vers nous, à la source, vous enquérir du crédit que nous accordons à ces nouvelles. Vous ne tomberez pas ainsi dans le piège de la manipulation.
Certains nous reprochent que nous ne répondons pas par les mêmes procédés quand il tue des leaders de l’opposition politique, comme feu André Kagwa Rwisereka du parti des verts, quand il assassine des journalistes de la presse indépendante, comme feu Jean Léonard Rugambage (Journal Umuvugizi) et de feu Charles Ingabire (Journal Inyenyeri). D’autres aussi nous tancent de ne pas répliquer avec la même violence, quand le régime tente d’assassiner des leaders de l’opposition, par exemple le Général Kayumba Nyamwasa (RNC Ihuliro), en emprisonne d’autres parce qu’ils ont décidé de mener le combat politique à l’intérieur du pays, à l’instar de Mme Victoire Ingabire (FDU Inkingi), de M. Deo Mushayidi (PDP Imanzi), de M. Bernard Ntaganda (PS Imberakuri), de M. Théoneste Niyitegeka, ou des journalistes qui ont pris le risque d’exercer leur droit d’expression telle que Mesdames Saidati Mukakibibi et Agnès Nkusi Uwimana (Journal Umurabyo), ou enfin, quand le régime simule des attentats à la grenade et tue d’innocents citoyens pour les imputer ensuite à l’opposition.
Notre lutte restera pacifique
A tous ceux qui nous accusent de plier sous la violence ouverte du régime de Kigali, nous leur répondons que notre lutte est et restera pacifique. Elle ne s’arrêtera pas parce que le régime continue de commettre des crimes contre l’opposition. Elle ne s’arrêtera pas avec les emprisonnements et/ou les intimidations. Sans doute demain, à savoir le 29 juin, la Cour condamnera et prononcera une lourde peine contre la Présidente des FDU Inkingi, Madame Victoire Ingabire. Sachez que nous ne baisserons pas la garde. Malgré le contrecoup, nous raviverons de plus belle notre combat démocratique jusqu’à ce que nous déboulonnions cette dictature sans horizon humain que constitue le régime de Kigali. Nous vous annonçons d’ores et déjà une prochaine manifestation de protestation après le prononcé du jugement, manifestation au cours de laquelle nous vous indiquerons les changements politiques stratégiques majeurs que nous aurons adoptés.
Parce que nous voulons que notre Peuple recouvre sa dignité, sa liberté et ses droits, parce que nous voulons une réconciliation basée sur la justice et le devoir de mémoire de toutes les victimes du génocide et des crimes massifs contre l’humanité, parce que notre cause est juste et enthousiasmante, nous vaincrons.
Vive la République, Vive le Peuple rwandais.
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