Ce lundi 16 avril 2012, Victoire Ingabire Umuhoza a annoncé à la Haute Cour de Kigali qu’elle avait « irrévocablement perdu confiance dans la possibilité d’un bon déroulement de son procès » et que par conséquent, « elle boycotterait toutes les prochaines audiences à venir ». Cette décision a été prise en raison « du manque d’équité persistant depuis le début de son procès » notamment les intimidations continues que subissent régulièrement les témoins ou avocats de la défense. Elle a demandé à ses avocats d’entériner sa décision et de rester loin de « ce cirque malheureux ».
Le procureur, a estimé que « les supposées intimidations de témoins de la défense » n’étaient pas une raison suffisante de se retirer, et qu’elle serait contrainte de se présenter à la Cour quand bien même elle persisterait à vouloir boycotter les audiences, annonçant qu’au besoin, un nouvel avocat pourrait être désigné pour la représenter en son absence.
Victoire Ingabire a déclaré devant la Haute Cour que la situation avait atteint un point de non-retour et qu’un procès équitable était impossible dans ces conditions. « Bien que je sois accusée de crimes terribles ; mes témoins sont intimidés et la Cour s’en moque » a-t-elle notamment déclaré avant de faire un bref historique des difficultés rencontrées jusque –là et démontrant que son procès a une nature plus politique que judiciaire.
Parmi les éléments mentionnés, elle a dévoilé le contenu d’une réunion tenue avec le Procureur Général Martin Ngoga qui, selon elle, lui avait déclaré qu’elle avait été arrêtée car elle crée une impasse politique avec le gouvernement, alléguant qu’elle désirait instaurer « un régime hutu » car elle et son parti accusent le FPR d’avoir commis des crimes contre la population hutue. Il lui avait déclaré que le gouvernement attendait des excuses de sa part en échange d’un pardon gouvernemental. Le 13 mai 2011, en réponse à ces discussions privées, elle envoyait une lettre au procureur au sein de dans laquelle, elle conseillait au régime de libérer tous les prisonniers politiques, d’ouvrir l’espace politique et d’entamer un dialogue avec son opposition. « Que je meure ou vive, emprisonnée ou libérée, ce que nous avons accompli ne disparaitra jamais » car ce mouvement est plus fort que ma personne» avait-elle notamment écrit dans sa lettre.
La goutte d’eau qui a fait déborder un vase déjà rempli est le refus par la Cour, ce lundi 16 avril 2012, d’entendre Michel Habimana, ancien porte-parole des FDLR que la défense avait appelé comme témoin au sujet des intimidations dont font l’objet les témoins de la défense. La Cour a refusé de l’entendre sur ce sujet et lui a ordonné de quitter la salle d’audience.
Le 11 avril, ce témoin avait déjà était appelé à la barre et avait déjà comparu devant la Cour, bien que le procureur avait objecté sur la possibilité qu’il soit entendu comme témoin invoquant une condamnation antérieure pour génocide par un tribunal Gacaca, la Cour avait accepté de l’entendre pour information sans lui faire prêter serment.
Dans son long témoignage du 11 avril, l’ancien officier des FDLR, avait complètement remis en cause la crédibilité du principal témoin de l’accusation le « Major »Vital Uwumuremyi. Selon le témoignage de Michel Habimana, qui a côtoyé Vital Uwumuremyi en détention, ce dernier travaille pour les renseignements rwandais et avait même tenté en 2009 de lui recruter afin qu’ensemble ils montent un dossier de fausses accusations conte Victoire Ingabire pour le compte du régime rwandais.
C’est dans ce contexte, que cette nouvelle volte-face de la Cour refusant d’entendre ce témoin clé de la défense fût l’élément de trop poussant Victoire Ingabire à cesser, avec effet immédiat, d’assurer sa défense dans le cadre de ce procès.
Ruhumuza Mbonyumutwa
Cliquez ici pour écouter la déclaration de Victoire Ingabire lors de l’audience
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