Me Donath MUTUNZI
GSM. 0788855121 ; 072 88 55 121
Monsieur le Procureur
Général
BP 1328 Kigali
Objet : Constat du
non-respect des Garanties données par le Rwanda au Canada, le 18 février 2009.
Monsieur le Procureur
Général,
1.
Le Dr Léon MUGESERA est profondément consterné et
gravement préoccupé par le non-respect des « Garanties relatives aux droits de
la personne » que le Rwanda a données au Canada, dans un document que vous
avez signé vous-même en date du 18 février 2009 dans lequel, pour que le Canada
puisse vous transmettre le Dr Léon MUGESERA, vous
affirmez : « nous faisons valoir nos garanties suffisantes
concernant les questions des droits de la personne.»
2.
Violation de la garantie du droit de disposer du temps et
des facilités nécessaires à la
préparation de sa défense et de communiquer avec le conseil de son choix. Le
non- respect du droit de disposer des facilités nécessaires de communiquer avec le conseil de
son choix constitue un handicap majeur à la constitution du conseil de son
choix.
3.
Toute personne raisonnable et bien informée ne peut pas ne pas conclure qu’il est impossible à Léon MUGESERA de constituer un conseil de son
choix, étant privé du droit de disposer des facilités nécessaires de
communiquer directement avec chacun et chacune des membres pressentis de ce
conseil pour lui donner un mandat.
4.
Il appert que le déni de ce droit est une violation grave
des Garanties données par le Rwanda au Canada, au chapitre des « Garanties
de procès équitable » qui stipulent : « d) le droit de disposer du
temps et des facilités nécessaires à la
préparation de sa défense et de communiquer avec le conseil de son choix »
5.
A la mi- février 2012, lors d’une rencontre entre le
procureur national John Bosco SIBOYINTORE, en charge du dossier, avec le
directeur de la prison 1930 de Kigali et le Dr Léon MUGESERA, il avait été
décidé que, pour permettre au Dr Léon
MUGESERA de communiquer directement, en toute confidentialité et de façon sécurisée,
avec les membres du conseil de son choix pour leur donner un mandat, il serait
autorisé à Me Donath MUTUNZI d’apporter son téléphone mobile en prison, afin
que le Dr Léon MUGESERA puisse s’en servir à cet effet.
6.
Quelques jours plus tard, le directeur de la prison a indiqué
au Dr Léon MUGESERA que cette décision
avait été annulée.
7.
Le Dr Léon MUGESERA m’a mandaté pour m’enquérir auprès du
procureur national John Bosco SIBOYINTORE des motifs de cette annulation.
8.
Le procureur National John Bosco SIBOYINTORE m’a répondu
qu’il n’était pas au courant de l’annulation de cette décision, qu’il en
ignorait les motifs et qu’elle n’émanait
pas de lui.
9.
Le Dr Léon MUGESERA lui-même en a reparlé avec le
procureur national John Bosco SIBOYINTORE, lors de notre rencontre au bureau du
procureur en chef du parquet près le Tribunal de Grande Instance de Nyarugenge
le 19 mars 2012. Il lui a donné la même réponse, à savoir que l’annulation de
cette décision ne venait pas de lui et qu’il en ignorait les motifs.
10.
Le Dr Léon MUGESERA a alors demandé au procureur national
Siboyintore un rendez- vous pour résoudre ce problème. Ce rendez-vous fixé au
23 mars n’a jamais eu lieu et le Dr Léon MUGESERA en ignore les raisons.
11.
Dans le même rencontre de la mi-février 2012 entre le
procureur national John Bosco Siboyintore, le directeur de la prison et le Dr
Léon MUGESERA, il avait également été décidé que, puisque le Dr Léon MUGESERA ne peut
manifestement bénéficier d’une visite hebdomadaire de sa famille comme c’est le
cas pour des autres prisonniers (sa famille est au Canada et réside au Canada),
une « visite téléphonique hebdomadaire » serait accordée au Dr Léon
MUGESERA pour qu’il puisse parler avec son épouse et ses enfants.
12.
Cette décision d’une « visite téléphonique »
hebdomadaire a été également annulée. L’annulation de ce contact, de ce lien
avec son épouse et ses enfants n’équivaut- elle pas non seulement pour le Dr Léon MUGESERA,
mais aussi pour son épouse et ses enfants à une forme de torture morale
inacceptable ? N’est elle pas l’expression d’une volonté ainsi affichée de
détruire sa famille, pourtant légalement protégée par l’article 27 de la
Constitution de République du Rwanda ?
13.
Force est de constater que le Procureur Général perd tout
le contrôle sur le détenu transféré au Rwanda, en l’occurrence le Dr Léon
MUGESERA, une fois aux mains des gestionnaires des services pénitenciers, et
que le Procureur Général n’est manifestement pas en mesure de veiller au
respect des Garanties que le Rwanda a données au Canada.
14.
Ceci est d’autant plus grave que, le 20 mars 2012, les
agents de l’administration de la prison 1930 ont empêché le Dr Léon MUGESERA de
s’entretenir avec un avocat rwandais, membre du Corps des défenseurs
judiciaires ; cet acte d’empêcher le Dr Léon MUGESERA de constituer le
conseil de son choix constitue une violation flagrante de l’article 18 de la
constitution de la République du Rwanda du 04 juin 2003 telle que révisée à ce
jour, tout comme ce même acte constitue une violation grave des
« Garanties en matière de procès équitable» données par le Rwanda au Canada.
15.
Depuis le 24 janvier 2012, date à la quelle le Canada a
remis le Dr Léon MUGESERA aux mains du Rwanda, quatre prisonniers se sont succédés
dans la cellule du Dr Léon MUGESERA, ce qui rend impossible toute préparation
confidentielle de son dossier, sans dire qu’il n’y a pour ce faire, ni chaise
ni table( voir Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus,
Genève 1955 approuvé par l’ECOSOC le 31/07/1957 et le 13/05/1977). Le Dr Léon
MUGESERA a, le même 19 février 2012 informé le PN John Bosco SIBOYINTORE de ce
handicap qui, à ce jour, demeure non résolu
(voir principes fondamentaux relatifs au
traitement des détenus, adoptés par le Rwanda le 14/12/ 1990).
16.
Ainsi se trouvent également violées « les
garanties données par le Rwanda au Canada au chapitre « Garanties en
matière de détention» qui disposent. « ….. Léon MUGESERA sera logé de façon adéquate dans une prison qui, selon les observateurs
internationaux, répond aux normes internationales. »
17.
Qui plus est, dans les Garanties que le Rwanda a données
au Canada, au chapitre des « Garanties en matière de détention», il y
est, entre autres stipulé : « Toute personne transférée…sera traitée
de façon humaine et appropriée conformément aux normes acceptés à l’échelle
internationale. » Dans le cas d’espèce, c’est tout le contraire que le
Rwanda fait.
18.
En outre, en ce qui concerne la nourriture, les même
Garanties données par le Rwanda au Canada, au même chapitre
des « Garanties en matière de détention » disposent « Toute
personne transférée sera nourrie ….conformément
aux normes acceptés à l’échelle internationale.», soit, en fait, trois
repas par jour. Or, le Dr Léon MUGESERA, ne reçoit qu’un seul repas par jour.
Des fois, on n’oublie même de lui donner, et ce la s’est produit sept (7) fois
depuis son arrivée le 24/01/2012 ; 18/02/2012 ; 19/02/2012 ; 22/02/2012 ;04/03/2012 ;16/03/2012 ;29/03/2012
et le 02/04/2012.
19.
Même si, en m’en parlant, le Dr Léon MUGESERA a toujours considéré
ces oublis comme accidentels et m’a enjoint de ne pas en parler à son épouse et
ses enfant pour ne pas les inquiéter, je considère ces multiples oublis alarmants et préoccupants,
surtout qu’il ne s’agit que d’un seul repas par jour, imaginez quand cela se
produit plus de deux jours consécutifs et que celui qui oublie de lui apporter
n’oublie certainement pas lui même de
manger. Dans ces circonstances, une personne raisonnable et bien informée ne
peut pas ne pas conclure qu’il s’agit là d’une torture par la faim.
20.
En outre, un
médecin a prescrit au Dr Léon
MUGESERA, un régime de fruits, comme substitution d’un traitement auquel ce médecin a mis fin. Cela est souvent l’oublié.
21.
Le Dr Léon MUGESERA est chrétien catholique pratiquant
qui, au Canada, participait à la messe le dimanche matin, et à la répétition de
la chorale le dimanche après- midi. Le Dr Léon MUGESERA a demandé, à plusieurs
reprises, de participer à la célébration eucharistique dominicale et cela lui a
été refusé. Empêcher le Dr Léon MUGESERA de participer à la messe dominicale et
de célébrer certaines fêtes religieuses qui, pourtant se déroulent à l’intérieur de la prison,
constitue une forme d’ « isolement» et, comme déjà dit, une forme de
torture morale. (voir Ensemble des règles minima pour le traitement des
détenus, Genève 1955 approuvé par l’ECOSOC le 31/07/1957 et le 13/05/1977).
22.
Empêcher le Dr Léon MUGESERA de participer à l’exercice
du culte de sa religion et de célébrer certaines fêtes religieuses constitue
une violation de l’article 33 de la Constitution de la République du Rwanda qui
dispose : « La liberté de pensée, d’opinion, de conscience, de religion, de culte et de manifestation
publique est garantie par la loi. » N’est-ce pas aussi une forme de torture
morale ?
23.
C’est, encore, une fois, une violation grave des
garanties données par le Rwanda au Canada au chapitre des « Garanties en
matière de détention » quant à la déclaration que « Toute personne
transférée sera….. traitée de façon
humaine et appropriée, conformément aux normes acceptées à l’échelle
internationale.»
24.
En somme, c’est une violation grave des Garanties données
par le Rwanda au Canada au chapitre des « Principes fondamentaux
consacrés par les procédures de droit criminel rwandais » par le non-respect
manifeste du « principe de la primauté du droit».
25.
Le fait pour un Etat de signer un accord ou, dans les
circonstances, les garanties et agir de façon contraire ne constitue-t-il pas une violation grave du
principe de la bonne foi qui gère les relations entre les Etats, ce qui est le
cas de la violation grave des garanties données par le Rwanda au Canada que
vous avez signées dans le dossier du Dr Léon MUGESERA.
26.
Aussi, au regard
des violations graves susmentionnées, une personne raisonnable et bien informée
n’est- elle pas obligée de se rendre à l’évidence que c’est sur la base de
fausses garanties que le Canada a remis le Dr Léon MUGESERA au Rwanda et que,
en conséquence pour réparation, il serait nécessaire et urgent de restituer le Dr
Léon MUGESERA dans ses droits, afin que justice puisse être correctement rendue
dans son dossier.
Veuillez
agréer, Monsieur le Procureur général, l’assurance de mes sentiments
distingués.
Pour le Dr
Léon MUGESERA
Me
Donath MUTUNZI
Avocat
Copie
conforme à:
-
Me Johanne DOYON’
-
Me Philippe LAROCHELLE
-
Me Martin ROY
-
Avocates et avocats pressentis pour constituer le conseil
de défense du Dr Léon MUGESERA
No comments:
Post a Comment