Par Jérôme NAYIGIZIKI
Secrétaire Exécutif
Houston, TX, USA
20 janvier 2012
Plusieurs personnes ont tenté de commenter le rapport des juges Français Trévidic et Poux sans l’avoir même lu. Nous ne ferons pas cette erreur-là. Nous nous bornerons simplement à émettre quelques réflexions que nous inspirent les réactions des différents acteurs. Nous vous invitons en même temps à lire vous-mêmes ce rapport qui est maintenant disponible.
Voici « le lien : https://www.wuala.com/FP_IJT/Documents/?key=TrevidicReport
Voici « le lien :
La célébration de la sortie du rapport Trévidic comme une victoire par Kigali trahit un impitoyable cynisme politique. Ce 10 janvier 2012, les premières conclusions de l’expertise balistique effectuée par le juge anti-terroriste français MarcTrévidic sur l'attentat contre l'avion du président rwandais Juvénal Habyarimana le 6 avril 1994, ont été présentées à Paris aux représentants juridiques des parties en cause. Le rapport complet n'a pas été rendu public. L’assassinat du président Habyarimana a déclenché l'une des plus grandes tragédies du 20e siècle: le génocide contre les Tutsis du Rwanda.
Dès le départ, il est essentiel d'insister sur l’importance des implications et des enjeux de cette enquête criminelle. Le 6 avril 1994 une attaque terroriste contre l'avion du président rwandais a coûté la vie à près de 1 million de personnes. Plus critique, le TPIR (Tribunal pénal international pour le Rwanda), a paradoxalement renoncé à enquêter sur cet attentat criminel alors que ce tribunal a déjà coûté plus d’un milliard de dollars américains à la communauté internationale. La tragédie rwandaise a comme autre conséquence la mort de plus de 5 millions de personnes (Congolais et réfugiés Rwandais). Il est donc impératif pour le monde entier de connaître le commanditaire de cet élément déclencheur de ladite tragédie. C’est cette tâche que le juge Trévidic a tentée d'accomplir.
Sur base des informations à notre disposition relatives aux premières conclusions du rapport Trévidic, et après avoir analysé les réactions de ceux qui sont directement impliqués dans cette affaire, en particulier le gouvernement rwandais, les nombreuses critiques contenues dans les media, le parti PDR-Ihumure, trouve qu'il est essentiel d’apporter la contribution suivante:
1. Nous félicitons le juge Marc Trévidic, sa collègue Nathalie Poux et leur équipe d’experts pour cette démarche qui pourrait éclairer la justice sur cet élément déclencheur de la tragédie rwandaise. Nous pensons qu'il serait sage de la part de chacune des parties intéressées de garder la réserve nécessaire en attendant les conclusions du rapport final car le rapport préliminaire n’est qu’une étape dans la procédure judiciaire.
2. Nous trouvons extrêmement imprudentes, voire cruelles les affirmations de Kigali selon lesquelles les conclusions des juges Trévidic et Poux ferment avec éclat le chapitre de ces 17 années de campagne visant à nier le génocide ou blâmer les victimes et qu’il est désormais établi que l’attentat contre l’avion faisait partie d’un coup d’Etat mené par des éléments extrémistes hutu assistés de leurs conseillers, qui détenaient le contrôle du camp militaire de Kanombe. Ceci est un affichage très décevant par le Gouvernement FPR de Kigali de son attitude habituelle d’ignorer la procédure régulière et qui a continuellement tenté de jouer le rôle de juge dans cette affaire, tout en étant un des principaux suspects sur le banc des accusés. Egalement irresponsables sont les nombreuses déclarations dans les média que « enfin nous connaissons la vérité » ou que « Kagame et son équipe sont exonérés » alors que l’enquête est toujours en cours.
3. Le but de cette longue et coûteuse enquête est d’aller au fond de la vérité de ce qui s’est réellement passé cette soirée fatidique du 6 avril 1994. Après tout, c’est toute la Communauté internationale, principalement les familles des deux Présidents, de leurs suites et celles des membres de l’équipage français qui sont morts dans cet attentat, qui ont grandement besoin de justice tout comme plus d’un million de rwandais qui sont morts dans la tragédie qui a suivi l’attentat. D’ailleurs, la logique la plus élémentaire est que le régime de Kagame serait le principal bénéficiaire de la vérité qui en sortirait car son nom serait blanchi une fois pour toutes. C’est pourquoi nous trouvons curieux, même suspect que durant les 17 dernières années, le Gouvernement FPR de Kigali n’a jamais montré un quelconque intérêt pour une enquête internationale véritablement neutre sur celui qui a tué le Président Habyarimana et déclenché le génocide rwandais. Le Gouvernement rwandais ne voit aucune responsabilité ni obligation morale dans la recherche de la vérité et de la justice pour les victimes et, son seul intérêt dans cette affaire et de continuer à clamer « nous n’y sommes pour rien, les coupables sont les autres ».
4. Aujourd’hui, une percée majeure a été réalisée dans cette enquête puisque nous connaissons la localisation approximative d’où les missiles ont été tirés: la zone de Kanombe. Ainsi le rapport Trévidic complète celui du juge Bruguière au lieu de le contredire comme beaucoup l’ont prétendu à tort. Sans valeur est le rapport Mutsinzi commandé par le Gouvernement du FPR, dont l’objectif n’était pas une recherche de la vérité, mais une volonté affichée «d’enquêter sur le rôle français dans le génocide rwandais ». Son degré de crédibilité est similaire à celui d’une enquête qui serait commandée et menée par les ex-FAR dans l’attentat contre l’avion du Président Habyarimana car on ne peut être à la fois juge et partie.
Selon l’avocat des demandeurs, Philipe Maillac, le rapport Trévidic contient un grand nombre de confirmations des affirmations contenues dans le rapport Bruguière qui s’appuyait sur les révélations de nombreux témoins-clé. Aujourd’hui, la principale tâche du juge Trévidic consiste à déterminer si oui ou non ces révélations coïncident avec sa conclusion principale selon laquelle la zone de Kanombe pourrait être le lieu du lancement des missiles afin de limiter le champ des suspects probables. En fin de compte, ce qui importe ce ne sont pas les spéculations que le Président Habyarimana aurait été tué par la rébellion du FPR ou par sa propre armée, ce qui importe, c’est de savoir qui l’a réellement tué.
5. En plus de tous les éléments discutés dans les paragraphes précédents, il y a d’autres questions qui restent dans l’esprit des gens pour lesquelles le juge Trévidic et son équipe auront à apporter des réponses raisonnables. Après tout, non seulement la vérité et la justice mais aussi leur crédibilité en tant que véritables professionnels sont sérieusement ici mises en jeu.
Pourquoi le Gouvernement de Kagame n‘a-t-il jamais voulu ordonner une enquête réellement neutre dans cette affaire et pourquoi le TPIR a-t-il renoncé à une telle enquête ? Que gagnerait ou perdrait-il si cette enquête avait lieu ? Pourquoi les douilles des missiles tirées ont –elles été trouvées plutôt à Masaka qu’à Kanombe ? Le LT Abdul Ruzibiza a-il fabriqué son témoignage à partir de rien ? Quelle est la probabilité d’une pure coïncidence que le FPR a lancé une offensive généralisée et bien coordonnée seulement quelques instants après que l’avion était abattu ? Etait–ce un coup d’Etat réalisé par les ex-FAR ou celui du contingent du FPR qui avait été installé à Kigali depuis décembre 1993 officiellement pour protéger leurs membres qui devaient faire partie du Gouvernement de transition mais qui, en réalité, n’était qu’une force du cheval de Troie dont la mission était précisément de préparer ce coup d’Etat ? Si c’était un coup d’Etat des FAR, pourquoi n’ont-ils pas pris le pouvoir mais l’ont remis à un gouvernement civil ? Si les FAR voulaient tuer le Président Habyarimana, pourquoi auraient-ils choisi d’abattre son avion à partir de leur Camp Kanombe, révélant ainsi immédiatement l’identité des tueurs ? Si elles voulaient que l’identité des tueurs soit connue, pourquoi alors l’auraient-elles fait la nuit et non pendant la journée ? Si cela était un coup d’Etat préparé par les ex- FAR, comment se fait-il qu’elles aient été surprises par l’événement et ainsi désorganisées ? N’est-il pas possible que l’attentat ait été planifié et exécuté par quelqu’un d’autre dans la zone de Kanombe pour faire croire que c’était l’œuvre de l’armée qui habituellement occupait le camp Kanombe ?
Toutes ces questions et beaucoup d’autres sont très pertinentes et devraient recevoir des réponses assez convaincantes.
6. Le juge Marc Trévidic et son équipe mène une enquête délicate dans un environnement extrêmement difficile parsemé de dangers et de manipulations. Beaucoup de gens sont morts ou ont perdu leur emploi en essayant de découvrir le mystère derrière l’assassinat du Président Habyarimana le 6 avril 1994. Mais le juge Trévidic et son équipe seront des héros s’ils parviennent à orienter l’enquête douloureuse vers une conclusion satisfaisante et révéler au monde l’identité de la personne ou du groupe de personnes qui est à l’origine de la tragédie rwandaise. Certains témoins pourront avoir disparu, mais il y a encore des témoins très crédibles qui peuvent jouer un rôle pivot dans ce cas comme Carla Del Ponte, Michel Hourigan, le Général Kayumba Nyamwasa, le DR Théogène Rudasingwa, Luc Marshall et d’autres.
7. Nous invitons tous les Rwandais de bonne foi et toute personne dans le monde, avec un grain de preuve dans ce cas, à se présenter et aider le Rwanda à donner une conclusion satisfaisante à ce triste chapitre de son histoire.
Après 17 ans de mensonge et de manipulations, il est temps pour la communauté internationale de joindre les mains et rendre justice aux victimes de la tragédie rwandaise qui en ont vraiment besoin et, contribuer à la guérison en général et au processus de réconciliation dans notre nation profondément meurtrie.
Que la paix, la justice et la réconciliation puissent à nouveau prospérer dans notre Pays.
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